L'Etat et la Souveraineté

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L'Etat et la Souveraineté par Mind Map: L'Etat et la Souveraineté

1. Thomas HOBBES Le pouvoir souverain, volontaire et absolu, Léviathan, 2e partie, De l’État, 1650,

1.1. Résumé (internet): Par son approche mécanique dans la compréhension de l’être humain et de ses passions, Hobbes décrit ce que serait la vie sans un gouvernement. C’est ce qu’il appelle état de nature. Dans cet état, chacun a le droit de faire tout ce qu’il veut. Ce qui conduit à ce que Hobbes appelle guerre de tous contre tous (Bellum Omnium contra Omnes). Hobbes est l’un des premiers écrivains à imaginer un état de nature préexistant à la société humaine, afin d’y identifier la manière dont les hommes agissent sans directives ou organisation commune qui peut maintenir tout en ordre et avec respect. Cependant, l’état de nature de Hobbes est irréel, car il n’existe pas. Pour Hobbes, l’homme est courtois et sociable non pas par nature, mais par accident. Sa vraie nature est une culture de guerre, une culture prédatrice. C’est pour cela qu’il cite que l’homme est un loup pour l’homme. Dans l’état de nature, les hommes sont tous égaux et donc ont les mêmes passions, les mêmes droits d’accès aux mêmes choses, et utilisent les mêmes moyens pour accéder au succès (soit la ruse, soit l’alliance et l’association). En l’absence d’un gouvernement, chaque homme ferait comme bon lui semble, et chaque homme est le seul juge de ses actions (bonnes ou mauvaises).

1.2. Démocratie directe: La démocratie directe est l'une des formes premières de la démocratie dans laquelle le peuple exerce directement le pouvoir politique, alors que dans une démocratie représentative, il l'exerce de manière indirecte. Dans l'Antiquité et en particulier au VIe siècle avant notre ère, des cités ou des groupes sociaux étaient organisés en démocratie directe. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) estime que la démocratie ne peut être que directe en se fondant sur les droits naturels des êtres humains et sur le pacte social qui les unit. Cependant, au XVIIe et au XVIII siècles, de nombreux penseurs considèrent que la démocratie directe n'est applicable que dans de petits pays, avec peu d'habitants et ayant une structure sociale homogène. Les Etats démocratiques modernes qui se sont construits à partir de la fin du XVIIIe siècle, sont caractérisés par une démocratie représentative. La seule exception notable est la Suisse, dotée d'une forme originale de démocratie directe que facilite le fédéralisme. La démocratie représentative est critiquée sur le fait qu'elle dépossède le peuple souverain de son pouvoir. La démocratie directe devient alors une alternative. Certains pays ont ainsi intégré des éléments de démocratie directe dans leurs institutions pour que les citoyens soient davantage impliqués dans les décisions politiques. Exemples d'institutions ou de mécanismes qui relèvent de la démocratie directe ou semi directe :   - référendum,   - assemblées locales,   - initiatives populaires,   - pétitions... Dans le secteur économique, l'autogestion est une application de la démocratie directe. Exemples de mouvements ou d'expériences politiques se réclamant de la démocratie directe : la Commune de Paris (1871), les soviets de Russie (1905 et 1917 à 1921), les conseils ouvriers en Allemagne et en Italie (1918-1920), les communautés libertaires espagnoles (1936), les conseils ouvriers hongrois (1956), le mouvement de mai 1968 en France, la révolution iranienne de 1979.

1.3. BIOGRAPHIE THOMAS HOBBES - Thomas Hobbes participe à la fondation de la philosophie moderne grâce à son œuvre, le Léviathan. Théoricien du contrat social, il fait scandale dans une Angleterre en proie aux rebellions.

1.4. Résume (internet): Thomas Hobbes établit sa réflexion en partant d'une conception de l'homme pessimiste : l'homme un ennemi pour les autres hommes. Il lui faut donc un État fort, imagé sous la forme du Léviathan (le monstre biblique), chargé d'assurer la sécurité de tous, en échange de l'obéissance de tous. C'est ainsi que la notion de contrat ou pacte social et politique naît. Le Léviathan est composé de quatre parties, la première fait une étude sur l'homme, la seconde sur le contrat social, la troisième sur la communauté chrétienne et enfin la dernière sur l'état de nature. Son analyse philosophique de l'homme établit qu'il a un désir insatiable de prendre à l'autre ce qu'il ne possède pas et donc de chercher à protéger ce qu'il a. Il recherche un protecteur : un État ou une communauté naissent de ce désir. Hobbes évoque l'idée que la monarchie est la meilleure forme de gouvernement pour protéger les sujets des agressions extérieures, mais aussi d'eux-mêmes. Il fonde la deuxième partie de son analyse sur une explication des obligations et les fonctions qui lient le citoyen à l'État dans le pacte social. Hobbes souhaite aussi répondre à la délicate question de l'obéissance à une autorité souveraine qui serait compatible ou non avec l'obéissance à une autorité divine. Pour le philosophe, il ne devrait pas y avoir de conflits entre pouvoir temporel et spirituel du moment qu'on accepte leur séparation. Et pour finir, Hobbes dresse un inventaire noir de ce que serait la vie des hommes si tous les principes expliqués auparavant ne sont pas respectés, c'est-à-dire la vie à l'état de nature.

1.5. Résumé (internet): Abandonnée à elle-même, l’humanité entière disparaîtrait en l’absence d’ordre social. Ce qui sauverait l’homme, serait sa peur de disparaître avec les autres et son désir de survivre et de se faire un nom. L’homme comprend qu’afin d’assurer sa survie, il n’y a point d’autre choix que de quitter l’état de nature et de laisser le gouvernement prendre le contrôle. Ceci est, d’une part, la raison pour laquelle l’homme laisse grandir ses passions lorsqu’il décide de se séparer de son état de nature initial. D’autre part, l’homme se sent également motivé par sa peur de la mort, son désir d’obtenir les choses nécessaires pour sa survie et son succès. D’après Hobbes, les lois de la nature sont dictées par la raison et conduisent aux limitations du droit naturel que possède chaque être humain. La première loi de la nature – et donc la loi la plus fondamentale – est la recherche éternelle de la paix. Cette loi est immuable, car elle est totalement basée sur la rationalité. Néanmoins, comme toute autre loi de la nature elle doit être respectée et mise en application par tous les hommes. Pour y arriver, il faudrait donc que tous renoncent à leurs droits individuels.

1.6. naissance: 5 avril 1588 décès: 4 décembre 1679 (à 91 ans)

1.7. => Mandat représentatif: Le mandat représentatif est une forme de mandat politique qui possède la caractéristique d'être général, libre et non révocable. C'est-à dire que le représentant peut agir en tous domaines à sa guise car il n'est pas tenu de respecter les engagements qu'il aurait éventuellement pris devant ses mandants.  => Souveraineté nationale: La souveraineté nationale est le principe selon lequel la souveraineté appartient à la nation qui est une entité collective abstraite, unique et indivisible. La nation ne se limite pas aux seuls citoyens vivants, mais inclut les citoyens passés et futurs. De ce fait, elle est supérieure à la somme des individus qui la composent. C'est ce qui la différencie de la souveraineté populaire. La souveraineté nationale ne pouvant gouverner directement, elle implique un régime représentatif. Les représentants de la nation sont titulaires d'un mandat représentatif et œuvrent dans l'intérêt de la nation toute entière. Chacun représente la nation entière et non ses seuls électeurs.Ainsi, les décisions des représentants de la nation ne peuvent être contestées par les citoyens actuels car ces derniers ne représentent pas toute la Nation, notamment les citoyens futurs. Pour éviter les abus de pouvoir, il est nécessaire de mettre en place des contre-pouvoirs pour contrôler les représentants, comme la séparation des pouvoirs ou une constitution dont le Conseil constitutionnel est, en France, le garant. => Régime représentatif: Un régime représentatif est un régime qui reconnaît à une assemblée le droit de représenter la nation dans son ensemble. La volonté des citoyens s'exprime par l'intermédiaire de représentants élus qui incarnent la volonté générale en votant les lois et éventuellement en contrôlant le gouvernement. Le régime représentatif repose sur le principe que le détenteur de la souveraineté nationale ne peut l'exercer directement. Il n'a pas la capacité matérielle de se réunir, de décider des lois ou de gouverner seul. Il doit le faire par l'intermédiaire d'une institution regroupant ses représentants disposant d'un mandat non impératif. Si la souveraineté nationale est détenue par le peuple, si celui-ci joue un rôle important dans l'élaboration de la Constitution, si des élections pour désigner les représentants ont lieu à des dates régulières, si l'opposition est considérée comme une force légitime et si toutes les tendances peuvent s'exprimer, alors le régime représentatif peut être qualifié de démocratie représentative. => Démocratie représentative: La démocratie représentative, appelée aussi "démocratie délégative", est l'une des formes de la démocratie dans laquelle les citoyens expriment leur volonté par l'intermédiaire de représentants élus à qui ils délèguent leurs pouvoirs. Ces élus, qui représentent la volonté générale, votent la loi et contrôlent éventuellement le gouvernement. Une des conditions pour que le régime soit démocratique est que, grâce à des élections ayant lieu à des échéances régulières, le mandat des représentants soit limité dans le temps (pas de charges à vie ou héritées). Aucun gouvernement n'est jamais installé définitivement. L'opposition est considérée comme une force légitime et toutes les tendances sont admises à s'exprimer. En outre, l'espoir d'accéder au gouvernement est ouvert à tous. !!!!!Dérives( résume)!!!!!: I- En assimilant abusivement la souveraineté du peuple avec celle de ses représentants, la démocratie représentative a crée un régime de souveraineté parlementaire dans lequel les gouvernés sont dépossédés abusivement de leurs souveraineté. II- De plus, la démocratie représentative conduit à une appropriation du pouvoir et de l'influence par une élite politique.

1.8. Texte 1 : Thomas Hobbes Le pouvoir souverain, volontaire et absolu, Léviathan, 2e partie, De l’État, 1650, extraits. « Un État est dit institué lorsqu’une multitude d’hommes s’entendent et conviennent que sera donné par la majorité, soit à un homme, soit à une assemblée, le droit de présenter toutes leurs personnes (c’est-à-dire d’être leur représentant) ; chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui qui a voté contre, autorisera toutes les actions et tous les jugements de cet homme ou de cette assemblée de la même manière que s’ils étaient les siens propres, à cette fin d’instaurer entre eux une vie paisible et d’être protégés contre les hommes. De cette institution d’un État découlent tous les droits et toutes les facultés de celui ou de ceux à qui le pouvoir souverain est conféré par le consentement du peuple assemblé. 1. Les sujets ne peuvent changer la forme du gouvernement [...]. En conséquence, ceux qui ont déjà institué un État, étant ainsi liés par le pacte pour entériner les actions et jugements d’un seul, ne peuvent légitimement sans son autorisation passer entre eux un nouveau pacte pour obéir à un autre en quoi que ce soit. [...] 2. Le pouvoir souverain ne peut être perdu parce que le droit de les représenter est donné à celui qu’ils font souverain par le pacte qui les lie l’un à l’autre et non qui lie le souverain à l’un d’eux. [...] 3. Aucun homme ne peut sans injustice protester contre l’institution du souverain proclamé par la majorité; [...] celui qui n’était pas d’accord doit maintenant se mettre à l’unisson des autres. [...] 4. Parce que chaque sujet est par cette institution l’auteur de tous les actes et de tous les jugements du souverain institué, il s’ensuit que quoi qu’il fasse, il ne peut causer aucun tort à l’un quelconque de ses sujets, ni être accusé d’injustice par l’un d’eux. Car celui qui fait une chose par l’autorité d’un autre, ne fait en cela aucun tort à celui par l’autorité duquel il agit. [...] 5. Quoi que fasse le souverain, il n’est pas punissable par le sujet. [...] 6. Le souverain est juge de ce qui est nécessaire pour la paix et la défense de ses sujets et des doctrines qu’il est bon de leur enseigner. [...] Ces droits sont indivisibles. Voici les droits qui constituent l’essence de la souveraineté et qui sont les marques par lesquelles un homme peut discerner dans quel homme ou quelle assemblée le pouvoir souverain est établi et réside. Car ces droits sont incommunicables et inséparables. [...] Le pouvoir et l’honneur des sujets disparaissent en présence du pouvoir souverain. [...] Le pouvoir souverain doit dans tous les États être absolu. Ainsi il apparaît clairement à mon entendement d’après la Raison et l’Ecriture à la fois, que le pouvoir souverain, qu’il soit placé dans un seul homme, comme dans la monarchie, ou dans une assemblée, comme dans les États populaires ou aristocratiques, est aussi grand qu’il est possible d’imaginer que les hommes puissent le faire. Et quoique d’un pouvoir aussi illimité les hommes peuvent tirer de nombreuses conséquences mauvaises, cependant les conséquences de la carence du pouvoir, à savoir la guerre perpétuelle de chaque homme contre son voisin, seraient bien pires. 2 La liberté des sujets consiste en la liberté issue des pactes. [...] La liberté du sujet est compatible avec le pouvoir illimité du souverain. Cependant nous ne devons pas comprendre que, par une telle liberté, le pouvoir souverain de vie et de mort puisse être aboli ou limité. Car il a déjà été démontré que rien de ce que le représentant souverain puisse faire à un sujet, sous quelque prétexte que ce soit, ne peut être proprement appelé injustice ou tort ; parce que chaque sujet est l’auteur de chaque acte que fait le souverain [...]. La fonction du souverain (que ce soit un monarque ou une assemblée) consiste en la fin pour laquelle on lui confie le pouvoir souverain, à savoir l’obtention de la sécurité du peuple, à laquelle il est obligé par la loi de nature et dont il devra rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre que lui. [...] Si les droits essentiels de la souveraineté [...] sont supprimés, l’État est par là même dissous et chaque homme retourne à la condition et à la calamité d’une guerre avec les autres hommes (ce qui est le mal le plus grand qui puisse survenir dans cette vie). C’est la fonction du souverain de maintenir des droits intacts ; et en conséquence, il est contraire à son devoir, au premier chef, de les transférer à un autre ou de s’en dépouiller. Car celui qui abandonne les moyens abandonne les fins ; et il abandonne les moyens celui qui étant souverain se reconnaît soumis aux lois civiles. [...]

2. Hans KELSEN, Théorie pure du droit, 2e éd., 1960, rééd. LGDJ, 1999,

2.1. Naissance: 11 octobre 1881 Décès:19 avril 1973 (à 91 ans)

2.2. Dans le domaine du droit, il est à l'origine de la « Théorie pure du droit ». Il est le fondateur du normativisme et du principe de la Hiérarchie des normes. Hans Kelsen appartient au mouvement du positivisme juridique, qui s'oppose au jusnaturalisme en prétendant décrire objectivement tout système juridique, sans faire appel à des valeurs morales extrinsèques du droit.

2.3. Résumé (internet): La science du droit décrit le droit positif, c'est-à-dire le droit en vigueur dans un pays donné à un moment particulier, le droit autrichien de 1920 ou le droit français de 1958. Comme les droits positifs ont des contenus profondément différents les uns des autres, les propositions de la science du droit ne peuvent être que contingentes. Néanmoins, il faut concevoir aussi une théorie générale, c'est-à-dire une théorie qui puisse décrire les caractères communs à tous les droits, quels qu'ils soient. Comme les contenus sont variables, ces caractères ne peuvent être que formels. La théorie du droit de Kelsen est donc une théorie formelle. Tous les droits positifs comportent des normes juridiques. La théorie du droit de Kelsen est d'ailleurs parfois appelée « normativisme ». Mais ils ne sauraient être définis comme des ensembles de normes, car il faudrait alors une définition des normes juridiques. Or il est impossible de parvenir à une définition indépendante et autonome de la norme juridique, car des normes qui ne sont pas juridiques, telles que les normes morales ou les normes sociales, présentent les mêmes caractères, comme d'être des prescriptions ou d'être assorties de la menace d'une sanction. On peut seulement les distinguer par le système auquel elles appartiennent : une norme juridique est une norme qui appartient au système juridique. Si l'on considère par exemple deux prescriptions analogues par leur contenu, le commandement du voleur « la bourse ou la vie » et celui du percepteur « vous devez payer l'impôt sous peine d'amende ou de saisie », celui du percepteur est une norme, parce que, contrairement au voleur, il a été habilité à émettre son commandement de payer par une autre norme, la loi, adoptée par le Parlement. La loi est elle-même une norme, non pas parce qu'elle a été votée, mais parce que la Constitution a habilité le Parlement à adopter des lois. C'est donc l'habilitation seule qui fait d'un commandement ou d'une injonction une norme juridique. En d'autres termes, le système [...]

2.4. L'Etat de droit: Cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose, par ailleurs, l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes.

2.5. Définition d'ordre juridique: La locution ordre juridique (ou système juridique, ou ordonnancement juridique) désigne l'ensemble des règles qui, pour un Etat et à un moment donné, définissent le statut des personnes publiques et privées et les rapports juridiques qui existent entre elles. Cet ordre juridique existe aussi pour les entités plus larges que les Etats, qui sont dotées d'un pouvoir normatif comme l'Union européenne ou au niveau international avec l'ensemble des traités, conventions, accords, etc. qui forment le droit international. Pour Jacques Chevallier, auteur de "L'Etat post moderne" (LGDJ, 2008), "l'ordre juridique symbolise l'ordre social", indiquant à tous les membres de la société "qu'ils font partie d'un ensemble cohérent, rationnel, dans lequel chacun a sa place, dispose d'un statut". En démocratie, l'ordre juridique comprend la Constitution, les lois, les règlements, les traités, les conventions, les arrêtés, la jurisprudence, etc. Il est dynamique, c'est-à-dire qu'il peut varier dans le temps pour s'adapter aux besoins de la population. Les composantes de l'ordre juridique sont interdépendantes. Elles sont organisées et coordonnées au sein d'une hiérarchie des normes. Une règle de droit nouvelle doit satisfaire à certains principes : respect des règles antérieures de niveau supérieur, possibilité de modifier les règles antérieures de même niveau en respectant le principe de temporalité (la loi la plus récente remplace la précédente), entraîner l'abrogation des règles inférieures contraires. On distingue parfois : l'ordre juridique interne ou national, si toutes les normes qui le composent peuvent être invoquées devant une juridiction nationale l'ordre juridique externe ou international (ou transnational), si ses composantes peuvent être invoquées devant une juridiction internationale.

2.6. extrait de la Théorie pure du droit " Dès lors que l’on reconnaît que l’État est un ordre juridique, tout État est un État de droit, et ce terme d’État de droit représente un pléonasme. En fait, cependant, on l’emploie pour désigner un type d’État particulier, qui répond aux postulats de la démocratie et de la sécurité juridique. En ce sens spécifique, l’«État de droit » est un ordre juridique relativement centralisé qui présente les traits suivants : la juridiction et l’administration y sont liées par des lois, c’est-à-dire par des normes générales qui sont décidées par un parlement élu par le peuple, avec ou sans la collaboration d’un chef d’État qui est placé à la tête du gouvernement ; les membres du gouvernement y sont responsables de leurs actes; les tribunaux y sont indépendants ; et les citoyens s’y voient garantir certains droits de liberté, en particulier la liberté de conscience et de croyance, et la liberté d’exprimer leurs opinions. »

2.7. Explication de Mandem: Homme créent le droit> qui lui-même a un impact sur les comportement humains> le droit est donc intrinsèque à lui-même Le droit est un fait qui précède toute action induite par lui-même. C'est pas l'Etat qui crée le droit pour s'y soumettre. C'est le droit qui est une réalité humaine puisqu'il régit les rapports entre les hommes avant même la création de "l'état". Les hommes n'ont pas attendus qu'un Etat se forme ( entité impersonnelle souveraine sur un territoire et une population entière) pour créer du droit, pour régir les rapports entre-eux. EXTRAIT DU TEXTE: [c’est le droit qui règle la conduite d’êtres humains – et en particulier leurs actes qui ont pour objet la création du droit – et qui par là se soumet ces hommes. On ne pourrait parler d’une auto - obligation de l’État qu’en ce sens que les obligations et les droits qui sont attribués à la personne État sont établis précisément par l’ordre juridique dont cette personne État est la personnification.] [Dès lors que l’on reconnaît que l’État est un ordre juridique, tout État est un État de droit, et ce terme d’État de droit représente un pléonasme. En fait, cependant, on l’emploie pour désigner un type d’État particulier, qui répond aux postulats de la démocratie et de la sécurité juridique. En ce sens spécifique, l’«État de droit » est un ordre juridique relativement centralisé qui présente les traits suivants : la juridiction et l’administration y sont liées par des lois, c’est-à-dire par des normes générales qui sont décidées par un parlement élu par le peuple, avec ou sans la collaboration d’un chef d’État qui est placé à la tête du gouvernement ; les membres du gouvernement y sont responsables de leurs actes; les tribunaux y sont indépendants ; et les citoyens s’y voient garantir certains droits de liberté, en particulier la liberté de conscience et de croyance, et la liberté d’exprimer leurs opinions. »]

2.8. Texte 2 : Hans Kelsen, Théorie pure du droit, 2e éd., 1960, rééd. LGDJ, 1999, p. 304 « L’auto-obligation (Selbstverpflichtung) de l’État ; l’État de droit. Selon la doctrine traditionnelle, L’État, qui existerait comme une réalité sociale indépendamment du droit, commencerait par créer le droit, puis se soumettrait ensuite à ce droit – pour ainsi dire de sa libre volonté. Et c’est alors seulement qu’il serait un État de droit. C’est ce processus qu’elle appelle l’« auto-obligation de l’État » ( Selbstverpflichtung des Staates). Seule l’analyse de la notion d’État qui a été présentée dans les pages précédentes permet de comprendre ce dont il s’agit en réalité. Contre la conception traditionnelle, il faut observer tout d’abord qu’il est impossible de penser un État qui ne soit pas soumis au droit. Car l’État n’existe que dans les actes étatiques, c’est -à- dire des actes accomplis par des êtres humains et qui sont attribués à l’État en tant que personne juridique. Et semblable attribution n’est possible que sur la base de normes juridiques qui définissent et règlent ces actes d’une façon spécifique. Dire que l’État crée le droit, c’est seulement dire que des hommes dont les actes sont attribués à l’État en vertu du droit créent le droit. Ce qui signifie que le droit règle sa propre création. Un processus par lequel un État qui précéderait le droit dans son existence créerait ce droit ne se rencontre pas et ne peut pas se rencontrer. Ce n’est pas l’État qui se soumet au droit créé par lui ; c’est le droit qui règle la conduite d’êtres humains – et en particulier leurs actes qui ont pour objet la création du droit – et qui par là se soumet ces hommes. On ne pourrait parler d’une auto - obligation de l’État qu’en ce sens que les obligations et les droits qui sont attribués à la personne État sont établis précisément par l’ordre juridique dont cette personne État est la personnification. Cette attribution à l’État, c’est-à-dire le fait de rapporter à l’unité de l’ordre juridique, et la personnification corrélative de cet ordre sont – il ne faut cesser de l’affirmer et réaffirmer – une pure et simple opération intellectuelle, un instrument auxiliaire de la connaissance. Mais le seul objet réel de la connaissance, c’est le droit. Dès lors que l’on reconnaît que l’État est un ordre juridique, tout État est un État de droit, et ce terme d’État de droit représente un pléonasme. En fait, cependant, on l’emploie pour désigner un type d’État particulier, qui répond aux postulats de la démocratie et de la sécurité juridique. En ce sens spécifique, l’«État de droit » est un ordre juridique relativement centralisé qui présente les traits suivants : la juridiction et l’administration y sont liées par des lois, c’est-à-dire par des normes générales qui sont décidées par un parlement élu par le peuple, avec ou sans la collaboration d’un chef d’État qui est placé à la tête du gouvernement ; les membres du gouvernement y sont responsables de leurs actes; les tribunaux y sont indépendants ; et les citoyens s’y voient garantir certains droits de liberté, en particulier la liberté de conscience et de croyance, et la liberté d’exprimer leurs opinions. »

3. Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, 1762,

3.1. => Souveraineté populaire chez Rousseau: Partant du constat que les hommes naissent libres et égaux, il en déduit que la souveraineté appartient aux citoyens, à tous les citoyens. La réunion de ces citoyens, de ces souverainetés, forme le peuple. Mais l'idée d'une égalité absolue entre citoyens porte en elle-même ses limites. Coment prendre et imposer les décisons nécessaires au bon fonctionnement de la société alors que tous les citoyens ont un pouvoir de décision égal ? Rousseau répond que la minorité doit se ranger à la volonté majoritaire et permettre ainsi de dégager l'unanimité. En se rengeant au côté de l'unanimité, le citoyen accomplit un acte de volonté et préserve de ce fait sa liberté et sa souveraineté. La pensée quelque peu contradictoire de Rousseau donne naissance à une théorie potentiellement dangereuse pour le citoyen. => La recherche de l'unanimité peut conduire à une négation du "droit de la différence" et à une oppression des minorités.

3.2. Comment s'analyse la souveraineté populaire en terme de participation et de représentation des citoyens ? *Le citoyen ne peut être dépossédé de sa souveraineté =inaliénable *Chaque citoyen détenant une parcelle de souveraineté doit pouvoir l'exercer lui-même et être consulté sur toutes les décisions à prendre. =>procédures de démocratie directe et semi-directe ( ex: référendum) *Le vote des citoyens pour désigner des délégués est un droit (en tant que détenteur d'une part de souveraineté). Puisqu'il s'agit d'un droit pour tous => suffrage universel -Le droit de vote: Le droit de vote permet aux citoyens d'un État d'exprimer leur volonté, à l'occasion d'un scrutin, afin d'élire leurs représentants et leurs gouvernants, de répondre à la question posée par un plébiscite ou un référendum, ou encore de voter directement leurs lois. Pour les démocraties modernes il s'agit du principal droit civique, considéré comme fondamental. -Le suffrage universel consiste en la reconnaissance du droit de vote à l'ensemble des citoyennes et citoyens. Il est défini par opposition au suffrage restreint qui réserve le droit de vote à certains citoyens1, en particulier au suffrage censitaire ou au suffrage capacitaire. Il est l'expression de la souveraineté populaire et de la volonté générale dans un régime démocratique. Dans sa version moderne, il est individualisé, c'est-à-dire qu'il s'effectue selon le principe « une personne, une voix », contrairement au vote plural ou au vote familial. * Possibilité du mandat impératif ( puisqu'il représente ses électeurs, l'élu doit respecter leur volonté et leurs instructions) -Le mandat impératif: D'une manière générale, un mandat impératif est un pouvoir délégué à une personne ou à une organisation désignée afin de mener une action prédéfinie et selon des modalités précises auxquelles elle ne peut déroger. Le principe du mandatement impératif est de partir des besoins définis par un organisme ou groupe qui délègue à un ou des plusieurs individus (externe(s) ou interne(s) au groupe) le soin d'accomplir une action définie dans la durée et dans la tâche. Selon le mandat, il y a un contrôle ou un rapport demandé au mandaté, afin que les mandataires puissent suivre la réalisation du mandat. En politique, le mandat impératif désigne un mode de représentation dans lequel les élus ont l'obligation de respecter les directives de leurs électeurs sur la base desquelles ils ont été désignés, sous peine de révocation. Le mandat impératif s'oppose au mandat représentatif comme la souveraineté populaire s'oppose à la souveraineté nationale. Des députés élus sur un mandat impératif ne représentent que leurs électeurs et non pas l'ensemble de la nation. La plupart des démocraties actuelles ont opté pour la souveraineté nationale, et rejettent donc le mandat impératif. En France, le mandat impératif pour les membres du parlement est interdit par l'article 27 de la Constitution car, même s'ils sont élus au niveau d'une circonscription, ceux-ci représentent l'ensemble de la nation.

3.3. Résume (internet): Selon Rousseau, la justice ne peut pas se définir comme «le droit du plus fort». Si la justice était ainsi, les individus les plus puissants seront toujours les plus justes. La justice chez Rousseau consiste en l’harmonie des actes individuels avec l’autorité civile. Mais les individus ne sont contraints à agir que si l’autorité est légitime. Afin de se protéger et de protéger leurs biens, les personnes s’accordent sur une relation contractuelle par laquelle les individus s’engagent à accepter diverses fonctions et obligations en échange des avantages offerts par la coopération sociale. Rousseau et la volonté générale Chaque individu peut avoir une volonté particulière différente de la volonté générale, mais dans le cadre du contrat, la volonté particulière peut être contrainte de se soumettre à la volonté générale. La volonté générale n’équivaut pas à la volonté de tous les individus, car ce n’est pas la somme de tous les intérêts particuliers. La volonté générale ne peut en effet être une somme des volontés individuelles dans la mesure où leur but est opposé, la première étant inspirée par le bien commun. La souveraineté est la volonté générale. Ce souverain s’incarne dans le corps politique. La souveraineté, selon Rousseau, est inaliénable et indivisible, en ce sens une république qui divise sa souveraineté n’est plus une république et ne peut plus représenter l’intérêt public. Afin de lutter contre des groupes d’individus voulant accaparer la volonté générale et la détourner à leur profit, Rousseau a imaginé de créer une institution uniquement orientée vers le bien commun : c’est le Législateur.

3.4. Texte 3 : Rousseau, Du contrat social, 1762 , extraits « Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est générale, ou elle ne l’est pas; elle est celle du Corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas, cette volonté déclarée est un acte de souveraineté, et fait loi. Dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature; c’est un décret tout au plus. Mais nos politiques, ne pouvant diviser la souveraineté dans son principe, la divisent dans son objet. Ils la divisent en force et en volonté; en puissance législative et en puissance exécutive; en droits d’impôts, de justice et de guerre; en administration intérieure, et en pouvoir de traiter avec l’étranger: tantôt ils confondent toutes ces parties, et tantôt ils les séparent. Ils font du souverain un être fantastique et formé de pièces rapportées; c’est comme s’ils composaient l’homme de plusieurs corps, dont l’un aurait des yeux, l’autre des bras, l’autre des pieds, et rien de plus. Les charlatans du Japon dépècent, dit-on, un enfant aux yeux des spectateurs; puis, jetant en l’air tous ses membres l’un après l’autre, ils font retomber l’enfant vivant et tout rassemblé. Tels sont à peu près les tours de gobelets de nos politiques: après avoir démembré le Corps social par un prestige digne de la foire, ils rassemblent les pièces on ne sait comment. Cette erreur vient de ne s’être pas fait des notions exactes de l’autorité souveraine, et d’avoir pris pour des parties de cette autorité ce qui n’en était que des émanations. Ainsi, par exemple, on a regardé l’acte de déclarer la guerre et celui de faire la paix comme des actes de souveraineté: ce qui n’est pas; puisque chacun de ces actes n’est point une loi, mais seulement une application de la loi, un acte particulier qui détermine le cas de la loi, comme on le verra clairement quand l’idée attachée au mot loi sera fixée. En suivant de même les autres divisions, on trouverait que, toutes les fois qu’on croit voir la souveraineté partagée, on se trompe; que les droits qu’on prend pour des parties de cette souveraineté lui sont tous subordonnés, et supposent toujours des volontés suprêmes, dont ces droits ne donnent que l’exécution. »

3.5. BIOGRAPHIE JEAN-JACQUES ROUSSEAU - Ecrivain et philosophe de langue française, né à Genève, Jean-Jacques Rousseau est l'auteur de La nouvelle Héloïse, Du contrat social, Des Confessions et Des rêveries du promeneur Le contrat social de Rousseau Publié en 1762, "Du contrat social ou Principes du droit politique" est un ouvrage de philosophie politique et sociale. Jean-Jacques Rousseau met en avant des notions comme la souveraineté du peuple, ainsi que la liberté et l'égalité. Lors de sa publication, l'oeuvre est immédiatement censurée à Genève comme en France. Approfondissant ses thèses sur l'état de nature de l'homme, il s'attache dans cet ouvrage à réconcilier contrat social et liberté de chacun. Pour être juste, la société doit être gouvernée par tous, chacun doit pouvoir participer au pouvoir. Le contrat doit donc être l'expression de la volonté générale, et Rousseau en appelle en fait à une sorte de démocratie participative. Si les principes développés dans le "Contrat social" de Rousseau ne seront jamais appliqués à la lettre, ils deviendront la base de la pensée politique moderne.

3.6. Naissance: 28 juin 1712 Décès: 2 juillet 1778 (à 66 ans)

3.7. L'origine de l'Etat: théorie de Rousseau La formation de l'Etat est le fruit de la volonté des hommes. L'Etat est une construction consciente. Les hommes se seraient associés de façon délibérée par une sorte de contrat. L'Etat initial de l'homme est l'état de nature =>aucun lien social n'existe entre les hommes, il n'y a point d'entrave à leurs libertés => les hommes sont libres et égaux. Mais progressivement la situation se pervertie => apparition d'inégalités. Une société véritablement juste ne peut naître que d'un contrat social = un accord de volonté des individus. Les hommes sentent l'utilité de se regrouper pour devenir plus fort. Ils doivent donc accepter de vivre en commun, d'unir leurs droits ( selon Locke), leurs possesions matérielles. La communauté ainsi créée ( société) est placée sous l'autorité de la volonté générale. Cette volonté qui est la base du pacte social est le fondement de l'Etat et de la souveraineté. Au sein de cette entité, l'individu retrouve liberté et égalité ( il a tout abandonné à la collectivité). La théorie du contrat social n'a jamais connu d'application dans l'histoire. Pourtant elle met en évidence le fait que les hommes, à un moment de leur histoire, sont amenés à s'unir pour survivre. De plus, seule cette théorie donne une explication juridique à la formation de l'Etat ( puisque l'autre mode de fondation de l'Etat, la violence, exclue toute explication juridique).

3.8. Démocratie semi-directe: La démocratie semi directe est une forme de démocratie qui combine à la fois des éléments de la démocratie directe et de la démocratie représentative. On parle parfois de démocratie semi représentative. Comme dans une démocratie représentative, les citoyens élisent leurs représentants qu'ils chargent d'établir les lois, mais ils peuvent aussi être amenés, lors de référendums à approuver ou refuser des lois. C'est notamment le cas en France, mais surtout en Suisse où l'usage du référendum est fréquent, à l'échelle cantonale ou nationale selon l'importance de la question. "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum." (Article 3 de la Constitution de la France du 4 octobre 1958) Dans certains cas les référendums peuvent être d'initiative populaire, c'est-à-dire à l'initiative des citoyens, comme en Suisse ou en Italie. En France, le référendum d'initiative populaire n'existe que partiellement. Il existe cependant un droit de pétition (Article 72-1 alinéa 1) et la possibilité d'un référendum local à l'initiative de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale (article 72-1 alinéa 2). Un autre mécanisme de la démocratie semi directe est le rappel (recall, en anglais ou révocation populaire) qui peut être utilisé dans certains Etats des Etats-Unis. Il permet à un nombre suffisant de citoyens de réclamer un référendum afin d'interrompre le mandat d'un élu ou d'un fonctionnaire. Ce fut le cas en 2003 pour Gray Davis, le gouverneur de Californie.

4. Félicien LEMAIRE « Propos sur la notion de « souveraineté partagée » ou sur l'apparence de remise en cause du paradigme de la souveraineté »,

4.1. I – UNE NOTION A PRIORI CONTRAIRE À LA THÉORIE JURIDIQUE DE LA SOUVERAINETÉ : LA NÉGATION DE LA SOUVERAINETÉ ABSOLUE 7La notion de souveraineté partagée peut a priori être prise dans deux sens différents. Dans un sens premier : elle exprime l’exercice d’une souveraineté par deux ou plusieurs États sur un même territoire ou une portion de territoire. Dans un second sens : elle implique dans le cadre de la Constitution d’un État la reconnaissance d’une parcelle ou proportion de souveraineté à une ou plusieurs des collectivités membres en sus de la souveraineté de l’État. Sous ces deux angles, la « souveraineté partagée » recouvre d’une part ce qu’on entend communément par condominium, association d’États, protectorats et autres formes de gestion conjointe sur un territoire et d’autre part ce qu’on entend souvent par fédéralisme. Cependant, quelle que soit la définition choisie, il apparaît sur beaucoup de points que la portée signifiante donnée à cette notion joue le rôle des utilités dans la description et caractérisation de ces systèmes. Sa fonction pédagogique est si marquée (A), qu’on en vient à se demander si, dans la schématisation des principes qui en résulte, elle n’est pas plutôt l’expression d’une confusion juridique (B) ; la didactique ne parvenant pas à réduire à néant l’oxymore.

4.2. 2 – À propos du fédéralisme américain et autres structures fédératives Sans conteste, c’est en partant de l’exemple américain que la notion de souveraineté partagée exerce une influence. On l’a dit, Tocqueville l’évoquait en n’hésitant d’ailleurs pas à opposer la souveraineté de la Fédération jugée artificielle à la souveraineté plus naturelle des États membres : « La souveraineté de l’Union est un être abstrait qui ne se rattache qu’à un petit nombre d’objets extérieurs. La souveraineté des États tombe sous tous les sens ; on la comprend sans peine ; on la voit agir à chaque instant. L’une est nouvelle, l’autre est née avec le peuple lui-même. La souveraineté de l’Union est l’œuvre de l’art. La souveraineté des États est naturelle […] [28][28]De la démocratie en Amérique, t. I, chap. VIII, Gallimard,…. » Agencé sur une logique de superposition, le système fédéral tel qu’il s’est développé aux États-Unis suppose en effet que l’organisation politique de l’État fédéré est distincte de celle de l’État fédéral et en conséquence que la qualité d’État est reconnue aux entités fédérées. C’est cette thèse du « dual federalism » qui explique que la Cour suprême a affirmé dans l’arrêt Printz v. US du 27 juin 1997 [29][29]Cf. note A. Klebes-Pelissier, cette Revue, 34, 1998, p. 277 et… le caractère de principe fondamental de la souveraineté partagée (« dual sovereignty »), non pas simplement déduit du Xe amendement mais plus largement de la conception historique et de la pratique constitutionnelle, autant que de la structure de la Constitution et de la jurisprudence de la Cour [30][30]V.E. Zoller, Grands Arrêts de la Cour suprême des États-Unis,…. Cette approche est cependant largement contestée au motif que les entités fédérées n’apparaissent pas comme des États, au regard du droit international. Sous ce rapport, il s’agit incontestablement d’une facilité de langage par la qualité d’État ne peut valoir que dans le cadre interne. Encore convient-il d’en arrêter l’argumentaire. En ce sens, faut-il affirmer que la souveraineté des entités territoriales est le résultat de la reconnaissance formulée par l’État fédéral nouvellement constitué ? Ou faut-il considérer qu’il existe une souveraineté initiale ou originaire d’une ou des collectivités « infra-étatique(s) » concernée(s) ? Certes, l’on sait ce qu’il y a de vain dans les recherches sur l’origine des pactes. Elles sont vouées à l’échec dès lors qu’il s’agit de prétendre accéder à une vérité intangible. Et il est devenu classique de considérer que c’est par le biais de la Constitution fédérale que les États fédérés ont obtenu certaines compétences réputées régaliennes : comme le pouvoir législatif, le pouvoir d’exercer la justice et à l’extrême le pouvoir constituant. Cependant, en suivant la chronologie des faits, il ne paraît pas plus absurde de prétendre que les États fédérés aient pu perdre ou plus exactement renoncé à leur souveraineté internationale et néanmoins conservé certaines prérogatives intérieures ordinairement dévolues à l’État souverain. Ce questionnement se pose – à la vérité – pour nombre d’États qui relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler le fédéralisme par agrégation. Que l’on évoque les Länder allemands qui ont eu une existence propre avant la Constitution fédérale de 1949 ou que l’on remonte plus loin dans le temps à propos des cantons suisses et la formation de la Confédération puis de ce qui est devenu le fédéralisme suisse. La problématique vaut nécessairement pour les États-Unis dont on sait historiquement que la Constitution n’est devenue fédérale précisément que par le fait et la volonté des États confédérés, ainsi que semble le confirmer le préambule de la Constitution du 17 septembre 1787 : « Nous, le peuple des États-Unis, en vue de former une union plus parfaite […], ordonnons et établissons la présente Constitution pour les États-Unis d’Amérique » ; ou l’article VII faisant référence à l’établissement de cette Constitution « entre les États qui l’auront ainsi ratifiée ». Suivant ce regard, il y aurait bien une souveraineté initiale de chacune des entités (devenues) fédérées qui aurait en quelque sorte survécu dans la Constitution fédérale. Ce qui donnerait entièrement crédit à la notion de souveraineté partagée ; et explique la démarche suivie par la Cour suprême dans l’arrêt Printz, lorsqu’il est soutenu à l’appui des analyses premières de J. Madison (Le Fédéraliste, lettre n° 39) que : « Bien que les États conférèrent nombre de leurs pouvoirs au nouveau gouvernement fédéral, ils retinrent par-devers eux “une souveraineté résiduelle et inviolable” [31][31]E. Zoller, Grands arrêts…, op. cit., p. 1272. ». Toutefois, rien n’est aussi certain. Il y a dans cette affirmation de la fondation contractuelle de l’État une véritable thèse, certes, mais une thèse que la doctrine de droit positif dénie en posant comme principe que le fondement et la source juridique de tout État résident dans sa Constitution, sans se préoccuper des raisons qui ont présidé à la naissance de l’État parce que celles-ci relèvent non pas du droit mais du pur fait [32][32]V. sur ce point les analyses de Carré de Malberg,…. Il est vrai du reste que le propos avancé par la Cour suprême n’est pas exempt de contradictions au regard de la motivation choisie dans d’autres arrêts. La relecture des différentes dispositions constitutionnelles, notamment du Xe amendement, et l’appui d’autres citations – parfois de mêmes auteurs – n’interdisent pas en effet de considérer, à toujours lire la jurisprudence, que la souveraineté reconnue aux entités fédérées n’existe que de par la distribution dûment effectuée au moment de l’établissement de la Constitution fédérale. Il y a là, en réalité, entre la thèse de la fondation contractuelle et la thèse de ce qu’on a pu appeler le « fédéralisme national » une vieille querelle qui rejoint le débat originaire entre anti-fédéralistes (favorables aux droits des États membres) et fédéralistes, et dont il a déjà été démontré qu’il était difficile de s’extraire en énonçant une position totalement indiscutable [33][33]Cf. O. Beaud, « Fédéralisme et Souveraineté », RDP, 1998,…. Que cette querelle, consubstantielle au fédéralisme américain, se reflète dans la jurisprudence de la Cour suprême et aboutisse à cette impression de flux et reflux de l’affirmation de « la souveraineté » des entités fédérées n’est pas en conséquence si étonnant. Par suite, plutôt que de conclure trop légèrement à la simple affaire de mots, il est plus juste de dire que ce que l’on caractérise par souveraineté partagée ne peut s’entendre que du regard de l’État concerné et non d’une perception extérieure ; en tout cas pas celle propre à l’État unitaire. Autrement dit, la notion de souveraineté partagée tout autant que la qualité d’État reconnue à une collectivité membre d’un État fédéral s’inscrivent dans la plus totale subjectivité normative des États [34][34]E. Zoller explique bien à cet égard la perception américaine de…. Ce qui contribue très largement à expliquer que le Tribunal constitutionnel allemand puisse affirmer, d’une façon sans doute surprenante pour les juristes français mais somme toute conforme au principe d’autonomie constitutionnelle des États, que « le propre de l’État fédéral est que la fédération et les États fédérés possèdent la qualité étatique. Cela signifie en toute hypothèse que tant la fédération que les États fédérés possèdent leur propre constitution déterminée par eux-mêmes [35][35]BVerfGE 342, 361, cité par C. Grewe et H. Ruiz-Fabri, Droits… ». C’est également le cas en Suisse, où la Constitution du 18 avril 1999 évoque la souveraineté des cantons (art. 3) et garantit leur constitution (art. 51). Pour autant, et il convient d’insister sur ce point, dans tous les cas il ne s’agit que de s’opposer au principe d’un gouvernement qui serait entièrement centralisé, jamais de remettre en cause la dimension strictement interne de cette approche qui s’agence somme toute dans une « distinction entre le national et le local [36][36]Cf. l’arrêt de 1937 NLRB v. Jones & Laughlin Steel Corp, cité… ». La dimension purement interne de la qualité étatique n’étant plus à démontrer à propos des États particuliers, faut-il en déduire que la notion de souveraineté partagée ne présente qu’un intérêt très réduit ; qu’elle ne saurait en tant que telle ouvrir un espace de généralisation conceptuelle, puisque toute relative aux États considérés, à la fois en ce qui regarde leur constitution et leur histoire ? Ou peut-on néanmoins considérer qu’elle améliore notre représentation du droit et donc notre rapport à l’État, en rendant mieux compte du concours des pouvoirs dans les États, au point sinon de détricoter la notion de souveraineté du moins de la relativiser ? La doctrine traditionnelle a sur ce point une réponse toute faite en considérant que le principe d’un partage de souveraineté repose en réalité sur une confusion des données juridiques.

4.3. B – UNE CONTRADICTION DANS LES TERMES SELON LA CRITIQUE DOCTRINALE TRADITIONNELLE Deux confusions essentielles présideraient à l’émergence de la notion de souveraineté partagée. C’est ce qu’il est possible de retenir de l’argumentation (parfois elle-même assez confuse) développée classiquement : à savoir d’une part une confusion entre la souveraineté de l’État et la souveraineté dans l’État et d’autre part une confusion entre le principe de la souveraineté – nécessairement propre à l’État (englobant) – et ses attributs. Tandis que la première confusion serait due au mauvais biais choisi dans l’analyse en se défaisant par trop d’une vision globale de la théorie de l’État pour se focaliser sur les affirmations des constitutions et les interprétations qui y sont inhérentes ; la seconde serait la conséquence d’une erreur dans la caractérisation juridique de la dévolution des pouvoirs. Il faut constater que ces arguments sont loin d’être sans fondement. 1 – La confusion entre la souveraineté de l’État et la souveraineté dans l’État À l’évidence ce n’est qu’avec beaucoup de précaution qu’il est tout d’abord possible de contester ce que dit une constitution, y compris par l’intermédiaire de la bouche du juge. Mais il n’est pas si difficile que cela d’asseoir ce propos en constatant que des règles de niveau identique et une jurisprudence parallèle et tout aussi régulière que celle précédemment citée contredisent l’idée d’une souveraineté partagée. C’est ce dont témoignent la jurisprudence centralisatrice de la Cour suprême et la théorie des compétences « impliquées », en particulier à travers l’interprétation faite de la Constitution (dernier alinéa de l’article Ier, section VIII) par la décision McCulloch v. Maryland de 1819 à propos de la compétence nouvelle conférée au Congrès fédéral de créer une banque fédérale. Du reste, à bien y réfléchir, nul ne peut oublier que si Hamilton, Madison et Jay sont apparus comme « fédéralistes » à l’origine, c’est parce qu’ils se sont montrés partisans de la création de l’État fédéral face au maintien d’une confédération, et donc au total partisans d’une forme de centralisation. Que la Cour suprême ait admis l’extension de la compétence fédérale dans le domaine social (US v. Butler de 1936), en l’absence d’attributions constitutionnelles expresses ; ou qu’elle ait décidé d’abandonner la théorie du « double standard » qui permettait aux États du sud de pratiquer la ségrégation raciale, en affirmant la compétence du pouvoir fédéral dans le domaine des droits fondamentaux (Brown v. Board of Education de 1954), n’est pas de ce point de vue étonnant, compte tenu des exigences d’harmonisation du droit applicable dans un État même à structure fédérative [37][37]Certes, il existe dans la structure fédérative une diversité…. Par conséquent, il surprend encore moins que le domaine des relations internationales constitue un aspect primordial de cette logique de centralisation ; même si ce n’est qu’en 1920, avec l’arrêt Missouri v. Holland qu’est reconnu au Président la compétence pour conclure un traité dans une matière censée, à la lecture de la Constitution, relever des États-membres [38][38]V.E. Zoller, Grands Arrêts de la Cour suprême des États-Unis,…. La cause est entendue avec l’arrêt US v. Curtiss-Wright de 1936 qui confirme et systématise les solutions retenues, en posant comme le souligne E. Zoller : « le principe que l’Union tenait ses pouvoirs internationaux de la nature de la souveraineté et non des États, et que ceux-ci n’avaient, de surcroît jamais été internationalement souverains [39][39]Grands Arrêts…, op. cit., p. 457 ; et Les Grands Arrêts…, op.… ». C’est assez dire qu’au « pays de la souveraineté partagée » le principe d’une souveraineté véritable des États fédérés, héritée de la genèse confédérale, a somme toute été très tôt démystifié dans ce domaine particulièrement significatif des compétences étatiques [40][40]L’arrêt Chisholm v. Georgia de 1793 admettait déjà qu’un État…. Et, même s’il faut admettre qu’il existe différentes formes de fédéralismes, on ne se laissera pas davantage abuser par la disposition de la loi fondamentale allemande (art. 32, al. 3) reconnaissant aux Länder le pouvoir de conclure des traités, dès lors que cela ne se fait que moyennant « l’approbation du gouvernement fédéral ». Tout comme en Suisse, où le pouvoir des cantons de conclure à titre exceptionnel des traités n’est admissible qu’à la condition que les dispositions adoptées ne soient contraires ni au droit et aux intérêts de l’État fédéral ni au droit d’autres cantons (art. 56 C.). Certes l’on ne saurait nier la maximisation qui est parfois faite du principe de participation des entités fédérées aux compétences étatiques. En ce sens, l’institution en Belgique d’un partage des compétences entre le Gouvernement fédéral, les trois Communautés et les trois Régions et du principe subséquent « in foro interno, in foro externo » qui veut que les compétences des Communautés et des Régions puissent s’exprimer aussi bien sur le plan interne qu’international [41][41]F. Massart-Pierard, « Une étude comparée des relations entre…. On serait même tenté ici de considérer que cela excède le champ du droit interne (cf. art. 167, § 3). Mais une fois encore cela ne s’entend que du regard porté par l’État et nullement du point de vue de l’analyse de droit international qui ne connaît que de la responsabilité de l’État fédéral. On souscrit à cet égard entièrement au point de vue d’A. Jallon : « On ne peut déduire de la capacité conventionnelle de l’État fédéré le fait qu’il est sujet de droit international, puisque cette capacité ne lui est pas attribuée par le droit international, mais par le droit constitutionnel de l’État fédéral [42][42]Le Fédéralisme, Puf, 1971, p. 69.. » Partant, si l’on admet que la distinction entre la souveraineté dans l’ordre externe et la souveraineté dans l’ordre interne constitue, malgré les préventions que l’on peut avoir sur le plan théorique [43][43]Cette distinction a une fonction pédagogique. Les auteurs la…, une réalité constitutionnelle tangible ; on comprend effectivement que la doctrine ait le plus souvent été conduite à considérer qu’il y a une confusion entre la souveraineté de l’État et la souveraineté dans l’État. Encore convient-il de ne pas confondre consécutivement la souveraineté proprement dite et ses attributs qui peuvent être reconnus aux collectivités membres d’un État.

4.4.  – La confusion entre la souveraineté et la « puissance étatique » On le sait : de Bodin à Rousseau, de Rousseau aux auteurs contemporains, c’est un leitmotiv d’affirmer que la souveraineté est indivisible [44][44]V.F. Lemaire, Le Principe d’indivisibilité de la République…. Duguit, appliquant cette proposition à l’État français, ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit qu’il « résulte […] de l’indivisibilité de la souveraineté et de la République qu’aucune collectivité ne peut être investie d’une quote-part de la souveraineté [45][45]Traité de droit constitutionnel, t. II, 1928, p. 120. ». Et même à ceux qui comme L. Le Fur considéraient qu’une division de la souveraineté est possible dans l’État fédéral, Carré de Malberg répliquait sévèrement que le partage de souveraineté se heurte à « une impossibilité tirée de la nature même de la souveraineté […] L’idée même de puissance la plus haute exclut toute possibilité de partage » et ajoutait en s’appuyant sur les propos de Laband et Jellinek que « la souveraineté est entière ou elle cesse de se concevoir. Parler de souveraineté restreinte, relative ou divisée, c’est commettre une contradictio in adjecto [46][46]Contribution…, op. cit., t. I, p. 139. ». Il se montre encore plus explicite en affirmant : « L’expression mi-souveraineté est formée de termes contradictoires, car la souveraineté, en tant que plénitude suprême de la puissance indépendante, ne peut se concevoir partiellement. En réalité la notion de l’État mi-souverain repose sur cette considération que certains États tout en étant dépendants d’un État supérieur, possèdent dans une mesure plus ou moins large des droits de puissance publique, droits de législation, de juridiction et autres, lesquels droits constituent pour l’État qui en est le sujet, une puissance analogue à celle de l’État souverain […]. Toute cette théorie a le tort de reposer sur une confusion de la souveraineté et de la puissance étatique [47][47]Ibid., p. 141.. » En conséquence, l’auteur invalide la confusion qui s’est établie chez nombre d’auteurs entre la souveraineté et les attributs de la souveraineté ou le cercle des compétences qu’il nomme la « puissance étatique ». Pour Carré de Malberg en effet, si la souveraineté est de définition négative (le caractère suprême d’une puissance au-dessus de laquelle il n’existe aucune autre puissance), la série de pouvoirs qui fait partie intégrante de la puissance étatique s’en distingue en ce que ces pouvoirs peuvent être définis de manière positive tout à la fois comme des droits actifs de domination et comme des pouvoirs publics réglementés qui s’exercent conformément à des limites juridiquement fixées. Critiquant dès lors l’erreur commise par Bodin et qu’avait déjà stigmatisé en son temps Loyseau, il écrit qu’« en prétendant rattacher à la souveraineté tels ou tels pouvoirs déterminés, ils ont perdu de vue que parmi ces pouvoirs, il en est qui appartiennent même à l’État non souverain, c’est-à-dire non complètement indépendant ». Et l’auteur de dénoncer cette confusion chez Jellinek comme chez Duguit [48][48]Contribution…, op. cit., t. I, pp. 6-77, 141-142, 191-192.. Le propos de Carré Malberg, devenu classique, est assurément judicieux. Cependant, on peut lui reprocher de ne pas en tirer de justes conséquences sur la formule de l’État fédéral. Comme l’observe O. Beaud : en cherchant à savoir si l’État fédéral est ou non un véritable État, Carré de Malberg finit par l’assimiler à l’État unitaire en réduisant le fédéralisme à une « technique de décentralisation » qui aurait simplement comme caractéristique d’être plus poussée [49][49]O. Beaud, « Fédéralisme et Souveraineté », art. cit., pp. 3-94.. Or l’État fédéral n’est pas l’État unitaire ; et nonobstant la nécessité qu’il y a de relativiser l’écart entre les deux modèles, il paraît difficile de prétendre aujourd’hui que le premier n’est qu’une variété du second. Ne serait-ce précisément qu’au regard de la distribution des compétences opérées dans le schéma fédéral. Car là où dans l’État unitaire la souveraineté débouche sur « le principe d’omnicompétence », comme le souligne encore O. Beaud, en donnant à l’État la possibilité de se saisir de toute affaire politiquement importante ; la Fédération « ignore ce principe d’omnicompétence qui lui est structurellement étranger […], il lui manque le pouvoir suprême de domination sur l’ensemble du territoire puisqu’elle se heurte à l’existence des États membres dont elle doit respecter les droits [50][50]Ibid., p. 105. ». D’où cette conclusion, délibérément concrète, que « le partage du pouvoir (la “division de la souveraineté” pour certains) est constitutionnellement garanti [51][51]Souligné dans le texte, ibid., p. 107. ». Ce faisant, n’y a-t-il pas quelque leçon à tirer du recours à la notion de « souveraineté partagée » dans l’État français ? Faut-il prosaïquement conclure que celui-ci n’est plus un État unitaire, notamment au regard de la Nouvelle-Calédonie ? Ne s’agit-il que d’un mot d’ordre politique, dénué de portée juridique ? Ou la notion s’inscrit-elle au contraire et plus largement dans une perspective, propre à l’air du temps, de remise en cause de l’affirmation du caractère unique et illimité de souveraineté de l’État, en transcendant les clivages entre les différentes formes d’États, devenus décidément de plus en plus relatifs ? Une clarification s’impose.

4.5. II – UNE NOTION FONCTIONNELLE PLUTÔT QU’UN CONCEPT JURIDIQUE AUTONOME : LE MAINTIEN DU PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ En raison de l’accroissement des autonomies locales, de la mondialisation ou plus singulièrement de la construction européenne, c’est devenu – on le sait – chose banale d’affirmer qu’on assiste dans les États à un infléchissement de la souveraineté. Aussi, paraît-il logique de prendre du recul avec la fiction accréditant l’idée que l’État est le seul producteur de droit. Ceci semble de plus en plus irréaliste au regard du droit supranational comme du droit local qui, dans la perspective nouvelle de fragmentation des sources du droit, tendent à démontrer qu’on quitte la logique traditionnelle d’un centre unique de décision, pour entrer – ainsi qu’on le prétend de plus en plus – dans l’ère « postmoderne » du polycentrisme [52][52]J. Chevallier, « Vers un droit postmoderne ? Les…. Que la notion de souveraineté partagée participe du renouvellement du regard sur la dévolution des pouvoirs sonne alors presque comme une évidence (A). Pour autant, est-ce à dire qu’on assiste à la mise en place d’un nouveau modèle ? Peut-on concevoir cette notion indépendamment du principe de souveraineté ? C’est ce qu’il conviendra d’examiner au regard du droit positif (B). A – L’ÉVOLUTION DE L’APPROCHE DE LA SOUVERAINETÉ : LA MULTIPLICATION DES CENTRES DE PRODUCTION DU DROIT À poser la problématique très concrètement : quel rapport y a-t-il en effet entre l’idée d’une souveraineté partagée et l’évolution de plus en plus manifeste sous nos yeux de la souveraineté ? S’agit-il d’une relation qu’on établit nécessairement entre deux notions contraires qui s’appellent aussi mécaniquement qu’irrépressiblement, mais qui se réfutent mutuellement ? Comme le bruit et le silence, la nuit et le jour. Dans ce cas, et à l’image de la doctrine classique, on ne peut voir dans la souveraineté partagée qu’une manière de dénoncer un état de fait perçu comme anormal par rapport aux dogmes juridiques. Mais peut-être la relation entre ces termes est-elle plus subtile (?) ; et convient-il de s’extraire du diktat doctrinal de l’apparente absurdité de l’oxymore ? Comme le clair-obscur ne constitue plus une simple alliance de mots mais un concept en soi : le principe d’une souveraineté partagée ne paraît plus totalement aberrant ; tant il est vrai que la souveraineté fait plus qu’auparavant l’objet d’aménagements et que l’État ne semble plus être, de manière aussi univoque que par le passé, le seul dispensateur de droit. 1 – Le renouvellement du rapport à la souveraineté dans le cadre de la construction européenne Sur ce point, il n’est que d’examiner les interrogations de la doctrine sur la qualité étatique ou pas de l’UE pour saisir les mutations qui semblent s’opérer dans les esprits [53][53]Cf. A. Laquièze et A. Paynot, « L’Union européenne tend-elle à…. Ainsi Vivien Ann Schmidt qui, égrenant les nouvelles terminologies pour décrire l’UE (« organisation supranationale postmoderne », « empire néomédiéval », « futur super-État »), la qualifie pour sa part d’« État-région » « pour casser » (sic) « l’idée selon laquelle le terme « État » ne pourrait être lié qu’à la nation » ; en estimant que cette nouvelle forme d’État se « caractérise par une souveraineté partagée au lieu d’une souveraineté indivisible, comme dans un État-nation » [54][54]Cf. « L’Union européenne crée-t-elle ou détruit-elle la…. Et l’auteur d’affirmer que l’UE est déjà souveraine dans le domaine du commerce extérieur, de la politique de la concurrence ou dans la gestion de la zone euro, à défaut de l’être encore en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Sans doute convient-il de ne pas exagérer la rapidité de l’évolution dans les esprits. Ce n’est qu’à la marge que les auteurs sont portés à considérer qu’on assiste à l’émergence d’un nouveau mode de pouvoir, s’inscrivant en rupture avec le modèle westphalien des États-nations. Dans ce registre, les écrits de J. Habermas plaidant à la suite de Kant (cependant différemment et plus fortement que lui, notamment en ce qui concerne la place des droits fondamentaux et des individus) pour une république cosmopolitique caractérisée par un authentique « patriotisme constitutionnel », fruit d’un partage de valeurs communes, sont connus [55][55]J. Habermas, L’Intégration républicaine, Fayard, 1998 et Après…. Ils font débat et ont influé la construction européenne, singulièrement à propos de la problématique d’une Constitution dans le cadre de l’UE. Mais rares sont néanmoins ceux qui prétendent qu’on est parvenu à ce fédéralisme international, dépassant les États, qu’appelait de ses vœux Proudhon. Loin encore du paradigme postnational, plus nombreux sont ceux qui, parlant d’Europe fédérale, évoquent plutôt l’idée d’une Fédération d’États-nations maintenant les souverainetés ; mais dans laquelle la souveraineté partagée n’a pas moins sa place à l’instar des structures fédératives étatiques en procédant à une répartition des compétences [56][56]Reste, comme le note O. Beaud, que cette « Fédération » ne… : ainsi le principe de subsidiarité (art. 5, § 3 TUE), les compétences exclusives de l’Union, les compétences partagées avec les États-membres et les compétences d’appui (titre I, TFUE). Quoi qu’il en soit, et quand bien même l’« ordre cosmopolitique » envisagé n’est – de l’aveu d’Habermas ou de J.-M. Ferry – que naissant, ceci paraît contredire, dans le principe, la perspective juridique interne où il est posé de longue date par le juge constitutionnel qu’« aucune disposition constitutionnelle n’autorise les transferts de tout ou partie de la souveraineté à quelque organisation internationale que ce soit » (décision 76-71 DC du 30 décembre 1976) ; qu’en conséquence la souveraineté ne peut qu’être nationale et que les organisations internationales ne sauraient disposer de la souveraineté puisqu’elles tiennent leurs compétences des États. Toutefois, les concessions de pouvoirs régulièrement opérées au profit de l’intégration européenne et le développement d’une jurisprudence sur ce point plus compréhensive – car moins attachée à la mention de l’interdiction de transferts de souveraineté qu’à l’évocation plus souple des « transferts de compétences » (décision 92-308 DC du 9 avril 1992) – crédibilisent, à travers la question de l’abandon graduel de la souveraineté à l’organisation européenne, la problématique du partage de souveraineté en imposant de reconsidérer cette même notion [57][57]V. spécialement F. Chaltiel, La Souveraineté de l’État et…. C’est ce qu’exprimait très tôt le juge Pescatore, dans le cadre communautaire, en notant que « nulle souveraineté ne peut plus être considérée comme complète, ni absolue, ni intangible, ni indivisible, ni non aménageable [58][58]P. Pescatore, « La Constitution, son contenu, son utilité »,… ». Partant, la conception abstraite de la souveraineté semble écartée au profit d’une vision plus concrète, en reliant la souveraineté à des compétences précises ou plus exactement à son exercice. C’est ce que suggère du reste le Conseil constitutionnel, sans doute quelque peu contraint par l’évolution politique et l’adoption des textes communautaires, en isolant différentes compétences et en affirmant concomitamment que les différentes évolutions ne doivent pas porter atteinte aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ». Reste à savoir lesquelles…? Là réside précisément le mystère, à coup sûr volontairement entretenu par la formule sibylline du Conseil constitutionnel qui (se) donne ainsi de manière très pragmatique la possibilité de mettre un coup d’arrêt au développement de la construction européenne et de sauvegarder, en tant que de besoin, ce qui pourrait être considéré comme l’essentiel des éléments de la souveraineté ; sans toutefois obérer d’avance toute évolution. Qu’il découvre à la suite – selon sa dernière formule – une « identité constitutionnelle de la France [59][59]Cf. décision 2006-540 DC du 27 juillet 2006 (cons. 19) ; puis… » aux fins de protéger les principes constitutionnels propres à l’ordre juridique français, s’inscrit parfaitement dans cette stratégie de compromis entre maintien de la souveraineté et intégration européenne [60][60]P. Mazeaud dans ses vœux au Président de la République,…. Pour autant, l’approche paraît dangereuse, puisqu’elle invite à considérer, avec la multiplication des transferts de compétences, que la souveraineté de l’État se réduit comme peau de chagrin et qu’elle est en conséquence – malgré les positions de principe du juge – ouverte, dans une logique de répartition des compétences, à un partage avec l’organisation européenne. Ainsi « la puissance de donner et casser la loi » – principale marque de la souveraineté selon Bodin – qui fait l’objet d’un dessaisissement croissant des compétences au profit de l’UE. De même le pouvoir de « décider en dernier ressort » se trouve malmené puisque les décisions des plus hautes juridictions nationales peuvent être contestées devant les juridictions européennes ; en donnant même le sentiment que la CJUE – en particulier – apparaît comme la Cour suprême d’un système fédéral qui limite la souveraineté des juges nationaux. Sans compter la disparition de certaines compétences, tel le pouvoir de battre monnaie, dès lors que l’euro est devenu la monnaie commune. Comme il est net, au regard de la construction européenne, que l’État ne dispose plus de l’exclusivité des compétences, on est conduit à s’interroger aussi sur la plénitude du « pouvoir souverain » dans le cadre interne, dans la mesure où le monopole normatif de l’État semble également remis en cause par l’accroissement de la décentralisation.

4.6. 2 – Le renouvellement du rapport à la souveraineté avec le développement de la décentralisation Par réflexe, sans doute est-il tentant d’écarter cette interrogation puisque, dans le principe, les collectivités ne bénéficient pas dans l’État français d’un pouvoir normatif autonome ; que l’ensemble du titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales comme l’article 34 C. obéisse dans ses principales lignes aux exigences de l’État unitaire excluant un partage du pouvoir politique. C’est ce que laisse d’ailleurs d’emblée supposer le principe d’indivisibilité formulé à l’article 1er et l’article 3 selon lequel l’exercice de la souveraineté ne saurait être attribué à « aucune section du peuple ni aucun individu ». A priori, ce n’est donc qu’à la marge qu’on trouve des dissonances. Le fait que le Conseil constitutionnel a rapidement admis que le législateur puisse déroger aux articles 34 et 37, pour confier aux assemblées des TOM (aujourd’hui COM) un pouvoir réglementaire dans des matières qui relèvent normalement du pouvoir législatif (décision 65-34 l du 2 juillet 1965) participe de cette logique. Toutefois la dérogation constitutionnelle introduite par le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, dans l’attribution qui est faite d’un véritable pouvoir législatif, témoigne à l’extrême de la nécessité qu’il y a de reconsidérer à l’intérieur du territoire national les implications de la souveraineté de l’État. Le recours à l’expression très fédéraliste de « pays à souveraineté partagée » ; la mention à l’article 77 C. de ce que la loi organique, prise après avis de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine « les compétences de l’État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie » confirment à cet égard que le législateur concède de sa souveraineté législative. Certes, il n’est question que d’une dérogation constitutionnelle aussi importante soit-elle. Mais tout apparaît comme si le cas spécifique de la Nouvelle-Calédonie [61][61]V.F. Lemaire, « Le Statut constitutionnel de la… avait ouvert, par effet de contagion, un espace toujours plus large d’immixtion des collectivités territoriales dans le champ du pouvoir législatif. Ainsi, la possibilité également conférée à la Polynésie française d’intervenir dans le domaine du pouvoir législatif à la suite de la loi organique du 27 février 2004, nonobstant l’affirmation du caractère formellement réglementaire des « lois du pays » polynésiennes ; dans une moindre mesure la possibilité constitutionnellement ouverte pour le législateur d’autoriser les DOM-ROM à fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un certain nombre de domaines relevant de l’État (art. 73, al. 3) ; jusqu’à la reconnaissance pour l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements de la possibilité de déroger à titre expérimental aux dispositions législatives dès lors qu’une habilitation législative est accordée (art. 72, al. 4). Partant, dans cette remise en cause larvée du légicentrisme, on comprend le crédit croissant qui est donné au principe d’un partage de la souveraineté. Tout se passant comme si la relation entre les États et les collectivités infra-étatiques prenait une forme moins autoritaire et tendait à devenir de plus en plus contractuelle et partenariale. Reste qu’il est difficile de prétendre à une véritable remise en cause de la souveraineté car ce serait confondre la souveraineté nationale et ses simples attributs.

4.7. 2 – L’indivisibilité de la souveraineté dans son principe mais la divisibilité des modalités d’exercice de la souveraineté Du reste, sans se limiter à l’analyse française, nombreux sont ceux qui doutent, même aux États-Unis, de la pertinence de la notion de souveraineté partagée. On l’a dit le fédéralisme est mû par une ambiguïté initiale entre la thèse anti-fédéraliste et la thèse fédéraliste. Et il est connu que, depuis les positions exprimées par Madison et divers fédéralistes originels, le courant est très net qui s’oppose à la thèse dualiste de la souveraineté et estime qu’aux États-Unis la souveraineté est également une [69][69]V.J.-P. Feldman, « La Conception américaine de la…. Selon cette approche, la conception américaine de la souveraineté n’est pas si éloignée que cela d’analyses rencontrées sur le continent européen et ne constitue « qu’une variante de la souveraineté indivisible, une variante adaptée aux principes du fédéralisme [70][70]J.-P. Feldman, ibid., p. 98. » ; mais en soulignant toujours que l’unité de la souveraineté n’est que la conséquence de l’unité du peuple. Ainsi, s’il n’est pas contesté que l’exercice de la souveraineté est divisé entre le niveau du gouvernement fédéral et le niveau des États, il est en revanche noté que les développements le plus souvent effectués sur la conception dualiste résulteraient d’une confusion classique entre la source de la souveraineté qui est populaire et donc indivisible et son exercice qui admet un partage de la souveraineté [71][71]V.T. Chopin, La République « une et divisible ». Les fondements…. Confusion à laquelle a, semble-t-il, contribué Tocqueville, en raison de l’importation mal maîtrisée de doctrines contradictoires mais aussi d’un manque de recul sur le système états-unien. Toutefois, on sait les limites de cette comparaison qui relève somme toute d’une approche qui vise à mettre l’État et sa souveraineté au centre de toute chose en niant ou réduisant les pouvoirs concurrents. De ce point de vue O. Beaud a certainement raison de mettre en garde sur la transposition de réalités du fédéralisme et de son histoire à la situation des États unitaires et pour tout dire à la situation française. Reste que si l’on admet avec ce dernier auteur qu’il n’y a pas classiquement dans l’État fédéral d’omnicompétence de la Fédération dans le cadre interne (cf. supra) ; on peut pour le moins être amené à considérer au regard du cas calédonien que l’État français bien que normalement unitaire ne possède désormais plus sur ce territoire ce principe d’omnicompétence. Si la souveraineté s’entend sous cet angle comme l’affirmation de l’indivisibilité des compétences, on comprend alors aisément qu’il puisse être prétendu que l’État français n’est plus totalement « souverain » et que par suite l’on ait pu affirmer l’existence d’une « souveraineté partagée ». Mais répétons-le, cela ne s’entend que du point de vue de l’exercice de la souveraineté et nullement de l’essence de la souveraineté ou de ce qu’on peut caractériser comme la souveraineté nationale, indivisible dans son fondement (le peuple) comme dans son expression la plus haute : le pouvoir constituant. Partant, il y a certainement beaucoup à méditer quant à l’application de la notion de souveraineté partagée aux cas de plus en plus répandus de collectivités infra-étatiques disposant de prérogatives classiquement dévolues aux États. Il suffit en ce sens de sortir de l’hexagone pour constater que la division du pouvoir normatif législatif n’est ni de nature à remettre en cause la souveraineté étatique, ni de nature à introduire un quelconque partage de souveraineté ; tout au plus un partage de compétences décidé par le constituant et strictement contrôlé par le juge constitutionnel. L’Italie comme l’Espagne reconnaissent ainsi l’existence de régions et communautés autonomes sans pour autant invoquer officiellement l’idée de souveraineté partagée. Et plus largement, comme l’on est fondé à dire que dans l’État fédéral : les entités fédérées ne sont pas à proprement parler souveraines mais disposent de prérogatives comparables à celles de l’État souverain, l’on pourrait être fondé à prétendre qu’une collectivité territoriale comme la Nouvelle-Calédonie dispose – en reprenant le vocable de Carré de Malberg – d’une « puissance étatique », si l’affirmation n’était difficile à admettre au regard des habitudes langagières. En effet, exerçant une puissance politique spéciale sur son territoire, l’assemblée de Nouvelle-Calédonie ne remet pas en cause l’autorité globale et générale de la puissance politique souveraine de l’État central qui s’impose à elle. En premier lieu, par le régime des lois de pays qui est non seulement limité quant à l’étendue des compétences mais qui est aussi placé sous l’autorité de la Constitution de l’État. En second lieu, par le contrôle qui est organisé sur ces mêmes lois et relève des organes centraux. Plutôt donc que de prétendre que les collectivités territoriales disposent d’une parcelle de souveraineté et qu’on est en présence d’une souveraineté partagée, il est plus pertinent de dire qu’elles disposent d’une parcelle des attributs de la puissance politique d’un État. Il y a ici plus qu’une différence de forme : une différence de contenu, dès lors qu’il est admis que le principe de souveraineté n’est pas réductible à une somme de compétences ; puisque les différents titres de compétences procèdent et dépendent de la souveraineté et ne suffisent pas séparément ou en totalité à définir la souveraineté, notion plus vaste qui peut effectivement se résumer dans l’assertion doctrinale de « la compétence de la compétence ». En définitive, le regard porté sur la notion de souveraineté partagée peut sembler assez décevant. Car ce qu’on a pu envisager comme une nouveauté ne paraît être que le recyclage des confusions classiques entre le concept juridique de souveraineté et son exercice [72][72]On ne confondra pas l’usage de la notion de souveraineté… ; ou encore l’effet d’interrogations relatives au(x) titulaire(s) réel(s) de la souveraineté en essayant de s’extraire de la dogmatique de la souveraineté nationale. Et si le mot de souveraineté partagée obtient progressivement droit de cité : il convient d’admettre que cela ne s’entend que d’un point de vue fonctionnel, à travers le développement de mécanismes de collaboration et de participation aux décisions politiques ; mais nullement du point de vue formel ou de la théorie juridique encore tout imprégnée du caractère apodictique de la souveraineté étatique qui ne peut, dans son principe, être divisée ou aliénée et dont on dit en conséquence classiquement qu’elle se reconnaît à son indivisibilité. En France, plus spécialement : la prise en considération de ce que la notion de « souveraineté partagée », a priori dépourvue de caractère normatif dans le préambule de l’accord de Nouméa [73][73]Cf. F. Garde, « Le Préambule de l’accord de Nouméa, prologue…, n’est pas reprise dans la loi organique de 1999 ou un des textes subséquents illustre le fait que cette notion ressortit essentiellement du discours politique et a par suite une dimension plus symbolique que prescriptive. De ce point de vue, un changement n’est concevable que moyennant une rupture totale d’avec la représentation mentale de l’État et de sa place – encore essentielle à défaut d’être toujours centrale – dans la société internationale. Le débat sur l’UE où se noue une grande part de l’avenir de la notion de souveraineté partagée conforte la nécessité qu’il y a pour l’heure d’en relativiser la portée, compte tenu non pas uniquement des réserves jurisprudentielles des différentes cours constitutionnelles [74][74]Sans détailler, c’est le cas des décisions des tribunaux… quant à la remise en cause de la souveraineté étatique – celles-ci étant parfois accusées de souverainisme – mais plus largement de celles textuelles produites par les acteurs politiques qui contribuent encore pour beaucoup à faire de la souveraineté étatique un horizon indépassable [75][75]Cela se vérifie dans les constitutions nationales comme dans…. Ce qui ne vaut pas seulement pour les anciens États parties à l’UE, comme la France et l’Allemagne, mais aussi pour les plus récents. Ainsi, nonobstant les stratégies de compromis déployées au regard de l’intégration européenne, lorsque sous des formes diverses il est régulièrement souligné par les États membres de l’Europe orientale que « la souveraineté n’est pas affectée elle-même par l’accession à l’UE, mais seulement les compétences qui y sont rattachées [76][76]Andràs Jakab, « La Neutralisation de la question de la… ». De fait, le seul constat véritablement solide est que la souveraineté strictement lue comme une « puissance absolue », dans ses différentes marques ou attributs, n’existe plus. Mais, a-t-elle jamais existé ? On a certes pu le penser, et pas simplement au temps de Bodin ! C’est cependant aujourd’hui une fiction à laquelle plus personne ne croit ; d’où ce besoin irrépressible de modèles nouveaux : plus orientés vers une mutualisation des compétences, vers des formes collectives et interactives de régulation et donc des formes plus évanescentes et insaisissables de gouvernement. Que, dans ce besoin d’utopie et/ou de rationalisation de l’échec du modèle de la souveraineté absolue, on soit tenté de voir un peu partout des fabriques de souveraineté partagée et de gouvernance est donc chose compréhensible ; en particulier dans le cadre de l’UE. Toutefois il n’est pas certain que cette solution soit souhaitée par tous ; notamment par les minorités nationales les plus revendicatives qui n’ont d’autre aspiration que la condition étatique formellement reconnue sur le plan international et n’appréhendent pas toujours favorablement, comme on a pu fort justement l’observer, l’idée d’un « polycentrisme sans souveraineté [77][77]S. Courtois, « “Droits individuels ou droit des peuples ?”… ». Sous ce dernier angle, la souveraineté partagée se présentant dans les démocraties occidentales comme une réponse aux demandes d’autonomie et d’indépendance, ne faut-il pas envisager cette forme autolimitée de pouvoir moins comme une remise en cause de la souveraineté que comme une formule propre à satisfaire principalement l’État déjà constitué, en lui permettant de sauvegarder l’essentiel dans l’ordre international comme dans l’ordre interne ? Dira-t-on alors cyniquement que ce n’est qu’une représentation destinée à satisfaire les apparences ; que l’État cache sa main de fer sous un gant de velours, de sorte à mieux assujettir ? C’est une image et un soupçon qui n’ont plus de raison d’être, là où partout il est bien compris que l’État ne saurait durablement subsister sous une forme autoritaire (une souveraineté sans partage serait-on tenté de dire), en définitive peu respectueuse des spécificités identitaires et ce faisant elle-même porteuse de division de l’État. Reste que du discours à la démarche juridique, par quelque bout qu’on prenne la question, c’est poser que la « souveraineté partagée » n’est en toute hypothèse que l’un des avatars de la Souveraineté [78][78]Précisons bien qu’il s’agit de la souveraineté en droit et non… ; et en conséquence pour l’État – qui voit dans cette forme plus négociée des pouvoirs une manière plus adaptée ou réaliste de se maintenir – son moderne quoique fragile appareil. En bref, ni plus ni moins un symptôme de ce que la souveraineté, même assouplie et relativisée dans son influence sur la société internationale, demeure le référent essentiel ; de ce que l’État, tenant compte des différents lieux de pouvoir, se renouvelle, se transforme, sans prendre congé. Qu’une partie de la doctrine cosmopolite considère globalement que la souveraineté partagée « accroît la souveraineté plutôt qu’elle ne la réduit », en contribuant à résoudre les problèmes nationaux en termes de sécurité et de stabilité, de réduction des dépenses et de coopération économique et technique [79][79]Cf. U. Beck, « Redéfinir le pouvoir à l’âge de la…, ne peut véritablement surprendre et ne constitue qu’un paradoxe apparent. Et si l’on peut admettre sous un autre regard que la souveraineté partagée n’est que l’expression du temps faible de la souveraineté et pour ainsi dire de son crépuscule avant l’ère « postnationale [80][80]Sans préjuger du futur, admettons a minima avec Renan… » ; l’on conviendra pour le moins que la disparition de l’État, à supposer qu’elle advienne, ne suffira pas a posteriori à faire de ce moment dialectique, de simple translation vers un autre système : une synthèse, un concept en soi… dans un monde alors sans souveraineté.

5. Jules DUCHASTEL, « Conclusion - La démocratie entre la crise de l’État et la revanche des sociétés », In Crise de l’État, revanche des sociétés sous la direction de Jules Duchastel et Raphael Canet

5.1. Texte 5 : Jules Duchastel, « Conclusion - La démocratie entre la crise de l’État et la revanche des sociétés », In Crise de l’État, revanche des sociétés sous la direction de Jules Duchastel et Raphael Canet,, pp. 361-402. Athéna, 2006. Collection : Mondialisation, citoyenneté, démocratie, 402 pp. « On peut difficilement prétendre que les États-nations seraient aujourd'hui dépourvus de souveraineté ou qu'ils ne constitueraient plus les unités légitimes du système international. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'affaiblissement [375] progressif des prérogatives de souveraineté [25]. De plus, les États-nations se mesurent dans un espace géopolitique qui n'accorde pas un poids égal à la souveraineté de chacun. […] On peut en effet constater que les États-nations acceptent de partager leur souveraineté dans certains domaines de la régulation ou du droit. Les mêmes États renoncent jusqu'à un certain point à l'exclusivité du contrôle de leur territoire. Des unités subétatiques, des régions et des villes entrent dans des rapports de complémentarité dans les systèmes extraterritoriaux. Les États eux-mêmes participent à des alliances régionales ou continentales qui affaiblissent leur souveraineté territoriale exclusive. […] Dans le cas d'adhésion à des conventions internationales, par exemple les accords sur le respect des droits de l'Homme ou de contrats négociés en vertu de l'intérêt commun des parties, ce sont les gouvernements qui décident de céder une part de souveraineté. Ce ne sont que dans les cas de coercition ou à'imposition que le principe d'autonomie est bafoué. La coercition consiste à faire valoir l'intérêt du plus fort à l'endroit des plus faibles, sans nécessairement que les plus faibles y consentent. L'imposition consiste en la subordination sans possibilité de résistance du plus faible devant le plus fort. Selon cette approche, même ces deux derniers cas peuvent très bien se concevoir dans le cadre du système westphalien. En somme, même si le système international n'a jamais pleinement réalisé les principes de Westphalie, il n'en existe aucun autre qui puisse s'y substituer. C'est justement en raison de l'existence d'une structure d'autorité supérieure aux États dans le système international que l'autonomie des États a été si souvent compromise. C'est ce qui explique que les acteurs les plus forts sont à même d'user de la coercition ou de l'imposition envers les plus faibles et qu'en vertu de leurs intérêts partagés, l'ensemble des acteurs étatiques peuvent renoncer par convention ou par contrat à des parties de souveraineté. Held et McGrew [29] nous montrent que la position réaliste est basée sur la compréhension hobbsienne du politique. Les traités de Westphalie n'ont pas été conçus dans le cadre d'institutions démocratiques, ce qui explique qu'ils ont pu justifier le développement des colonialismes et autres impé-rialismes. Ils soutiennent que la Charte des Nations Unies (1945) introduit de nouvelles dimensions dans le système des relations internationales qui vont dans le sens d'une plus grande démocratisation, mais également dans celui d'une réinterprétation des principes définis dans les traités. Sans s'illusionner sur la neutralité du système international — la charte a été fondamentalement conçue pour maintenir le pouvoir des puissances victorieuses au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, entre autres par la création des droits de veto au Conseil de sécurité — certaines innovations apparaissent dans la Charte des Nations Unies et dans la pratique de ses institutions. Les États ne sont plus considérés comme les acteurs exclusifs du système international. Des individus et des groupes particuliers reçoivent une certaine forme de reconnaissance, soit à travers la déclaration 7 universelle des droits, soit à travers des mécanismes de consultation. Les nations jadis colonisées, non seulement reçoivent une reconnaissance en tant qu'acteur à part entière, par exemple dans le cadre de l'Assemblée générale, mais un appui réel dans le processus de décolonisation. Des principes et des valeurs sont progressivement intégrés dans les textes et les pratiques des organisations onusiennes. On voit donc émerger un système juridique international qui tend à imposer des règles de fonctionnement [377] aux divers acteurs étatiques. Par exemple, la déclaration universelle des droits de l'Homme encourage les États à respecter leurs citoyens. L'ONU, à travers ses agences, promeut le développement de la justice sociale et de la justice pénale dans le cas des crimes contre l'humanité. Enfin, l'idée d'un patrimoine commun de l'humanité fait son apparition dans des traités de protection des espaces partagés et des ressources communes. Keohane résume de façon éclairante la manière alternative de comprendre la transformation du système international : « La souveraineté est moins conçue comme une barrière territoriale que comme une ressource dans la négociation politique qui prend place dans les réseaux internationaux de plus en plus complexes [30]. » Cela signifie que le principe de souveraineté demeure au fondement du système international, mais qu'il ne peut plus être considéré comme intangible. Si l'on accepte l'argument réaliste selon lequel la souveraineté ne peut être compromise que par consentement ou par l'exercice de la force, il faut aussi reconnaître que ces renonciations plus ou moins volontaires sont de plus en plus sollicitées dans le contexte international. L'expression « érosion de la souveraineté » a été contestée sur la base de l'argument réaliste selon lequel le système international continue de fonctionner à partir de cette fiction juridique de l'État souverain. Il vaut mieux peut-être parler de « partage de souveraineté » pour mieux rendre compte du caractère nécessairement politique et de la nature partielle de toute cession d'une part de souveraineté. On peut donner quelques exemples de cette aliénation partielle de souveraineté dans le contexte nouveau de la mondialisation. Rappelons que cette dernière se caractérise par l'intensification des flux de commerce, de finance, d'information, de capital, de technologie, de personnes et de culture [31], fragilisant la capacité des États de formuler des politiques à portée nationale. La distinction entre politique interne et externe tend alors à s'estomper. On observe l'émergence de nouvelles institutions de gouvernance qui tentent de répondre aux défis posés par cet accroissement des flux transnationaux et par l'existence de problèmes globaux [32]. La souveraineté est d'abord défiée par un grand nombre d'organisations intergouvernementales ou supranationales qui sont appelées à réguler les flux engendrés par la mondialisation. Afin de répondre aux défis posés par l'accélération des échanges de toute nature, les États ont aussi tendance à signer des accords régionaux (ALENA), continentaux (projet de la ZLEA) [378] ou même mondiaux (OMC) qui limitent leurs capacités de légiférer dans certains domaines. Le deuxième exemple est celui de la consolidation d'un régime juridique international. La multiplication des activités d'échange et des accords entraîne la formation d'un droit international de plus en plus complexe [33] et d'institutions d'arbitrage de plus en plus nombreuses. On assiste à une pluralisation des sources du droit, alors que l'État moderne, dont les institutions sont régies par une constitution, était conçu jusqu'alors comme unique source légitime de production du droit dans l'espace national souverain. Or, à travers l'adhésion à de nombreuses conventions, les États acceptent que les règles de droit et les normes soient désormais définies hors de leur compétence exclusive. Par extension, on peut dire qu'il existe aujourd'hui une production privée du droit. Les normes ISO en sont un bon exemple. On pense également aux codes de conduite dont une partie est produite dans l'espace privé. 8 Un troisième exemple concerne l'émergence de nouveaux acteurs dans l'espace de la gouvernance. Nous avons vu que les États ont délégué une part de leur pouvoir de produire le droit et d'énoncer des politiques à des organisations qu'ils ont eux-mêmes créées. On voit aujourd'hui les composantes de la société civile (secteur civique et secteur privé) réclamer et obtenir jusqu'à un certain point leur mot à dire dans les instances de gouvernance. Pour conclure, rappelons que le concept de souveraineté est au fondement de la légitimité de l'État moderne à effectuer les choix politiques et à les défendre ultimement, à l'interne comme à l'externe, par l'usage de la violence institutionnelle. Le concept circonscrit l'espace territorial et juridictionnel de l'État et définit les principes d'interaction avec les autres États-nations dans le système international. Le principe de souveraineté ne s'est toutefois réalisé que progressivement et, par définition, de manière inégale entre États-nations d'inégale importance. Ce n'est que sous l'impulsion de la Charte des Nations Unies que le principe de souveraineté s'est appliqué juridiquement à tous les pays prétendant à l'indépendance. Même si ce principe continue à régir les relations internationales, sa réalité est chaque jour minée par un ensemble de facteurs. Que ce soit par convention, imposition ou coercition, les États aliènent une partie de leur souveraineté en principe indivisible. Ils le font dans le cadre des accords internationaux, par la mise en place d'organes spécialisés de régulation supranationale ou dans l'édiction d'un droit international et l'instauration d'instances judiciaires internationales. Les États sont en plus exposés à une concurrence de plus en plus grande dans la définition des normes [379] et règles régissant un ensemble de secteurs d'activité, de la part des forces du marché et d'instances de gouvernance non publiques. Quelle que soit l'expression retenue, il est loisible de parler aujourd'hui d'une remise en question des fondements institutionnels de la souveraineté. »

5.2. Que signifie la notion de système international ? Dernière modification : 22 août 2019 à 11h24    La notion de système international repose sur le présupposé que la scène internationale serait structurée, malgré son caractère anarchique. Il est de coutume de parler de système westphalien, depuis les traités de 1648 qui marquent la naissance de l’Europe politique moderne. Ce terme désignant des relations égalitaires entre États et donc un système décentralisé. Mais on trouve des formes de « systèmes internationaux » dès l’Antiquité et dans diverses régions du monde – Mésopotamie, Amérique latine, etc. – caractérisées par la distinction entre l’ordre interne et la mise en place de relations avec d’autres unités. D’un point de vue théorique, le politiste et philosophe Raymond Aron définit le système international comme « l’ensemble constitué par des unités politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations régulières et qui sont susceptibles d’être impliquées dans une guerre générale. » Cette définition a le mérite de souligner la dimension interactionnelle des relations internationales. Le système est alors défini par des phénomènes de compétition (guerre), de coopération (diplomatie) et plus généralement d’interdépendance, impliquant pour un État la prise en compte du comportement des autres dans la définition de sa propre politique. Plusieurs tentatives ont alors consisté à proposer des classifications. Empruntant au philosophe grec Panayis Papaligouras, Aron distingue les systèmes internationaux homogènes – dans lequel les États obéissent à une même conception de la politique – et hétérogènes – lorsqu’ils se réclament de principes contradictoires. Une autre classification, plus descriptive, peut porter sur le nombre de puissances cherchant à structurer la scène internationale. On parle alors de système uni-, bi- ou multipolaire. Certains courants théoriques ont proposé des notions voisines. C’est le cas de l’École anglaise, qui parle de « société internationale », articulée autour de normes et d’institutions partagées. Quelques critiques ont cependant été émises. L’expression de « système international » propose une analyse calquant la scène internationale sur les scènes nationales. Or l’anarchie, caractéristique des relations internationales, montre les limites de ce parallélisme. Par ailleurs, la complexité des relations internationales incite à modérer une approche centrée sur les États, pour prendre en compte des acteurs non étatiques de plus en plus nombreux.