1. Vassy, Carine; Derbez, Benjamin. 2019. Introduction à la sociologie de la santé (Cursus). Armand Colin.
2. Historique de la sociologie
2.1. La sociologie est née à la fin du XIXe siècle en Europe et aux États-Unis, avec pour ambition d’étudier scientifiquement la société. Les sociologues se sont, à l’origine, plutôt intéressés à des théories générales de la société ou à d’autres objets que la santé, comme la famille, la religion ou le travail.
2.2. À cette époque, ceux qui interrogeaient la dimension sociale de la santé en France étaient plutôt des philosophes, des riches philanthropes ou des médecins, confrontés aux inégalités devant la maladie et la mort (Leclerc, 1979). Ils constataient que des facteurs sociaux, comme les conditions de logement, le travail ou les revenus, influençaient l’apparition des maladies et l’espérance de vie en cette période de révolution industrielle.
2.3. En France, l’intérêt des sociologues pour la santé a commencé à apparaître après la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, la médecine connaissait un grand essor, avec le développement des antibiotiques, des vaccins, des innovations en anesthésie et réanimation…
2.3.1. Mais les années 1960 et 1970 ont marqué un tournant (Herzlich et Pierret, 2010). Des ouvrages, comme ceux des philosophes Michel Foucault (1961, 1963) ou Ivan Illich (1975), ont porté des critiques radicales sur la médecine, accusée d’être un instrument de contrôle au service des gouvernements ou de rendre les gens malades.
2.3.2. Les années 1980 ont ensuite marqué une professionnalisation de la sociologie de la santé, avec la création d’une revue spécifique, Sciences sociales et santé, et d’un centre de recherche spécialisé sur les questions de médecine, sciences et santé.
2.3.2.1. comportements sexuels face à l’épidémie de sida.
2.3.2.2. inégalités sociales de santé
2.3.2.3. rôle du malade et de l’expérience de la maladie
2.3.2.4. organisation de l’hôpital et du travail de soins
2.3.2.5. sociologie de la santé et de la maladie, plutôt que de sociologie de la médecine. +++
2.3.2.5.1. Les commanditaires publics et privés poussent aussi à développer des recherches pluridisciplinaires avec des représentants des humanités médicales (anthropologie, éthique, histoire, psychologie…) ou de médecine (épidémiologie, santé publique…).
2.3.2.5.2. on ne peut pas parler d’une sociologie européenne de la santé car il y a de fortes spécificités nationales, liées à des traditions intellectuelles et des caractéristiques institutionnelles
2.3.2.5.3. des ouvrages de synthèse de la socio de la santé
3. Appréhender la santé et la maladie comme des phénomènes sociaux
3.1. Inégalités sociales de santé
3.1.1. réel
3.1.1.1. l’accès à ce bien varie selon la place qu’occupent ces groupes d’individus dans une hiérarchie sociale, établie à partir de critères qui permet de les classer (selon les revenus, ou les catégories socioprofessionnelles, les niveaux de diplôme, l’origine ethnique, le sexe, etc.).
3.1.1.2. ces différences concernent un bien socialement valorisé, la santé.
3.1.1.2.1. Elles sont produites socialement.
3.1.2. Deux indicateurs : l’espérance de vie et l’obésité
3.1.2.1. Longévité
3.1.2.1.1. l’espérance de vie augmente en France sur une longue période et toute la population en bénéficie (45 ans en 1900, 85 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes en 2016)
3.1.2.1.2. longévité = marqueur essentiel des inégalités sociales de santé, synthétise l’effet de l’ensemble des conditions de vie.
3.1.2.1.3. existence d’inégalités sociales selon les catégories socioprofessionnelles.
3.1.2.2. Obésité
3.1.2.2.1. l’enquête ObEpi, réalisée tous les 3 ans entre 1997 et 2012 en France, montre qu’il existe une relation inversement proportionnelle entre le niveau de revenu mensuel du foyer et la prévalence de l’obésité.
3.1.3. Facteurs de risques et comportements individuels
3.1.3.1. corrélations statistiques entre des états pathologiques et des facteurs susceptibles de les engendrer.
3.1.3.1.1. ex : tabagisme corrélé au nombre de cancers du poumon.
3.1.3.2. limites
3.1.3.2.1. accent mis sur les facteurs comportementaux individuels à l’origine des maladies (consommation d’alcool et de tabac, alimentation riche en lipides et en sucres, sédentarité et faible activité sportive, etc.)
3.1.3.2.2. négligence des facteurs sociaux (plus difficile de changer) = comme les conditions de vie ou de travail.
3.1.3.2.3. attribuer la responsabilité du problème à l’individu qui en est la victime +++
3.1.4. Habitus, disposition, goûts
3.1.4.1. renoncer à une explication en termes d’acteur rationnel qui choisit seul et librement sa conduite
3.1.4.1.1. « les modes de vie ne révèlent pas d’abord des choix individuels mais qu’ils sont déterminés par des caractéristiques propres aux milieux sociaux d’appartenance des individus »
3.1.4.1.2. Pierre Bourdieu. "habitus" = dispositions à agir ou penser d’une certaine manière, caractéristiques d’un style de vie.
3.1.4.1.3. Ces dispositions varient selon les milieux sociaux et sont acquises, de manière assez inconsciente, au cours de la socialisation pendant l’enfance, mais aussi tout au long de la vie, par le milieu familial, amical, professionnel, etc
3.1.5. Genre et inégalités de santé
3.1.5.1. la plus grande longévité des femmes, par rapport aux hommes, serait due à la manière dont la masculinité est construite socialement aujourd’hui en France : l’éducation donnée aux filles les porterait à faire plus attention aux problèmes du corps que les garçons.
3.1.5.1.1. la virilité valoriserait la prise de risques chez les hommes
3.1.5.1.2. certains métiers (physiquement difficiles) recrutent plus d’hommes
3.1.5.1.3. sexualité : victimes de rapports sociaux qui les mettent à la merci des hommes, statut social qui les fait accéder plus tard aux soins.
3.1.5.1.4. anorexie et construction sociale de la féminité (jeunes filles des classes moyennes et supérieures)
3.1.6. Inégalité d’accès aux soins
3.1.6.1. certains groupes sociaux ont une probabilité plus élevée d’être atteints de maladies
3.1.6.1.1. FASSIN D. 2010. « Inégalités sociales de santé », in Fassin D. et Hauray B., Santé publique, l’état des savoirs, Paris, La Découverte
3.1.6.2. principaux facteurs
3.1.6.2.1. coût
3.1.6.2.2. isolement social, peur de la stigmatisation.
3.1.7. Immigration et discriminations
3.1.7.1. familles immigrées cumulent les obstacles.
3.1.7.1.1. pauvreté
3.1.7.1.2. discriminations, racisme
3.1.7.1.3. administratif
3.1.7.2. discours culturaliste
3.1.7.2.1. problèmes rencontrés à la culture du pays d’origine des patients.
3.2. Croyances
3.2.1. une personne en bonne santé ou malade est un phénomène individuel qui ne concerne qu’elle.
3.2.2. les causes des maladies se trouvent dans notre corps ou notre esprit.
3.2.3. les personnes qui nous semblent les plus compétentes pour parler de la santé sont les médecins
3.3. Réel
3.3.1. Santé et maladie ont une dimension collective.
3.3.2. les causes des pathologies peuvent avoir une origine sociale, et non strictement individuelle, car elles peuvent être liées à l’environnement du malade, comme ses conditions de vie et de travail.
3.3.3. Les sociologues considèrent que la santé est un espace politique, dans lequel s’expriment des rapports de pouvoir à propos des solutions à apporter aux maladies.
3.3.3.1. FASSIN D. 1996. L’espace politique de la santé. Essai de généalogie, Paris, PUF.
3.4. Définitions médicales de la santé et de la maladie : de la clinique au social
3.4.1. "maladie"
3.4.1.1. Disease est donc le processus pathologique, l'écart par rapport à une norme biologique. Illness est l'expérience de la mauvaise santé du patient, parfois sans qu'aucune maladie ne puisse être décelée. Sickness est le rôle négocié avec la société.
3.4.1.1.1. Jean-François Cordier. 2014. Disease, illness, sickness : 3 sens pour “maladie” ? La Lettre du Pneumologue. Vol. XVII - n° 6.
3.4.1.1.2. Kenneth M Boyd. 2000. Disease, illness, sickness, health, healing and wholeness: exploring some elusive concepts. J Med Ethics: Medical Humanities;26:9–17
3.4.1.1.3. Disease
3.4.1.1.4. Illness
3.4.1.1.5. Sickness
3.4.2. La médecine clinique
3.4.2.1. « clinique » (du grec klinè, qui signifie couché, incliné, pour désigner le malade).
3.4.2.1.1. médecine exercée au chevet du malade
3.4.2.1.2. Hippocrate IVe siècle av. J.-C.
3.4.2.2. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles en France, apparaît une nouvelle conception de la santé et de la maladie, liée à l’appréhension mécaniste du corps
3.4.2.2.1. Le diagnostic clinique ne se limite plus à l’interprétation des symptômes décrits par le malade. Il résulte d’un travail de recherche des signes de lésions pathologiques.
3.4.3. La médecine expérimentale
3.4.3.1. fondée sur les connaissances issues des expérimentations de laboratoire.
3.4.3.1.1. médecine scientifique de Claude Bernard
3.4.3.1.2. commencer par l’étude de la physiologie, c’est-à-dire la science des fonctions du corps humain (nutrition, reproduction, respiration, etc.) en bonne santé.
3.4.3.2. Georges Canguilhem : périlleux de définir l’état pathologique uniquement par référence à une norme objective, sans référence à un pathos, c’est-à-dire une souffrance ressentie, exprimée par un malade.
3.4.3.2.1. Les normes physiologiques définies expérimentalement ont un caractère artificiel et restrictif par rapport à celles du vivant dans un environnement naturel.
3.4.3.2.2. La santé se caractérise moins par la conformité à des normes de laboratoire que par la capacité de l’organisme à s’adapter aux « fluctuations du milieu ».
3.4.4. La médecine sociale ou santé publique
3.4.4.1. prise en compte des effets de l’environnement sur la santé et la maladie
3.4.4.1.1. la santé est un bien inégalement réparti dans la société. Les épidémies touchaient plus fortement les quartiers pauvres des villes au XIXe siècle.
3.4.4.1.2. la santé et la maladie pouvaient être mesurées au niveau des populations grâce aux statistiques : taux de mortalité, de morbidité
3.4.4.2. la santé dépend de facteurs économiques, sociaux et environnementaux.
3.4.4.2.1. prévention +++
3.5. Santé et travail
3.5.1. cadre législatif des accidents de travail et maladies professionnelles
3.5.1.1. sécurité sociale (1946) qui collecte les cotisations des employeurs et verse des indemnisations forfaitaires aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
3.5.1.2. commité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) devenu comité social et économique (CSE) en 2020
3.5.2. Comment différencier les effets des conditions de travail, du comportement individuel et de l’hérédité ?
3.5.2.1. produits toxiques sur un lieu de travail, consommation personnelle, terrain héréditaire fragile, pollution atmosphérique.
3.5.2.2. exposition et déclenchement patho retardé
3.5.2.2.1. ex : asberstose et amiante, un siècle de recherche +++
3.5.2.3. sélection de la main-d’œuvre
3.5.2.4. burn-out, risques psychosociaux
3.5.2.4.1. Nouveaux problèmes de santé qui sont le signe d’une dégradation des conditions de travail ? Nouveaux noms pour caractériser des phénomènes anciens ?
3.5.3. Gestion de la main-d’œuvre et invisibilité
3.5.3.1. les plus exposées sont les personnes les moins qualifiées
3.5.3.1.1. délocalisation = invisibilité de la main d'oeuvre
3.5.3.1.2. sous-traitance à l’étranger
3.5.3.1.3. CDD, intérim, saisonniers
3.5.3.2. L’augmentation des contraintes temporelles et de la concurrence amène des entreprises à adopter une organisation par projet.
3.5.3.2.1. les troubles anxieux chez les salariés qualifiés, ingénieurs, cadres et techniciens
3.5.4. Favoriser l’ignorance du danger
3.5.4.1. produire de l’ignorance autour des problèmes de santé au travail, en finançant des travaux scientifiques qui sont favorables aux entreprises
3.5.4.1.1. THÉBAUD-MONY A. 2014. La science asservie. Santé publique : les collusions mortifères entre chercheurs et industriels, Paris, La Découverte.
3.5.4.2. les industriels du tabac aux États-Unis ont financé des experts scientifiques pour entretenir le doute et les controverses autour de la nocivité des cigarettes
3.5.4.2.1. Robert Proctor. 2014. Golden Holocaust : La conspiration des industriels du tabac, Paris, Les Equateurs
3.5.4.3. produits phytosanitaires pour l’agriculture
3.5.4.3.1. JOUZEL J.-N. et DEDIEU P. 2013. « Rendre visible et laisser dans l’ombre. Savoir et ignorance dans les politiques de santé au travail », Revue française de science politique, vol. 63, no 1, 29-49.
3.5.4.3.2. labo : tests de toxicité sur chaque produit séparément
3.5.4.3.3. agriculteurs exposés à plusieurs produits mélangés
3.5.5. Faible reconnaissance par la Sécurité sociale
3.5.5.1. Les principales maladies sont les troubles musculo-squelettiques (79 %), suivie de celles causées par l’amiante (7 %) et des lombalgies (6 %)
3.5.5.2. les processus de reconnaissance des maladies professionnelles est encore plus controversé que celui des accidents.
3.5.5.2.1. dossiers complexes, certificats médicaux, résultats d’examens de santé, attestations d’emploi
3.5.5.2.2. peu de maladies sont reconnues comme d’origine professionnelle.
3.5.6. Inspection et médecine du travail
3.5.6.1. Les inspecteurs du ministère du Travail sont des fonctionnaires en effectif limité qui contrôlent l’application de multiples règles juridiques dans un grand nombre d’entreprises.
3.5.6.1.1. réglementation en droit complexe, en constante évolution.
3.5.6.1.2. difficile de prouver une faute
3.5.6.2. L’autonomie des médecins du travail est remise en question.
3.5.6.2.1. ambiguité sur la productivité et la gestion des risques
4. La profession médicale
4.1. professionnalisation
4.1.1. la profession médicale joue un rôle fondamental dans la construction des maladies, en concurrençant d’autres institutions qui définissent et prennent en charge les problèmes humains, comme la religion ou la justice.
4.1.1.1. épilepsie = péché
4.1.1.2. toxicomanie = délit
4.1.2. Qu’est-ce qu’une profession ?
4.1.2.1. Talcott Parsons 1940 : la profession se différencie des simples métiers parce que ses membres maîtrisent des connaissances abstraites et complexes, qu’ils ont acquises au cours d’une formation longue, et qu’ils mettent au service d’autrui.
4.1.2.2. la profession médicale aspire à établir elle-même les règles qui régissent ses activités, ainsi que les rapports entre ses membres, les relations avec les autres métiers du soin et avec sa clientèle, en évitant toute ingérence extérieure.
4.1.2.2.1. FREIDSON E. 1984, 1re éd. 1970. La profession médicale, Paris, Payot.
4.1.2.2.2. autonomie ++
4.1.2.2.3. Au nom de l’efficacité de son action thérapeutique, elle a obtenu que l’on écarte d’autres métiers, comme les magnétiseurs, les rebouteux ou les matrones
4.1.2.2.4. les médecins ont aidé au développement d’autres professions de santé pour les seconder (paramédicaux)
4.1.3. médicalisation = processus par lequel des problèmes sociaux sont peu à peu considérés comme relevant de la compétence des médecins.
4.1.3.1. CONRAD P. 1992. « Medicalization and social control », Annual Review of Sociology, 18, 209-32
4.1.3.1.1. impuissance sexuelle, hyperactivité médicalisées au XXe siècle.
4.1.3.2. intérêts complexes
4.1.3.2.1. industriels
4.1.3.2.2. médecins
4.1.3.2.3. usagers du système de santé
4.1.4. sanitarisation
4.1.4.1. un nombre croissant de domaines sont considérés en fonction de leurs conséquences sur la santé humaine.
4.1.4.1.1. L’alimentation ou le sport ont été sanitarisés.
4.1.5. rationalisation
4.1.5.1. la médecine revendique d’être fondée sur des connaissances élaborées par un raisonnement objectif et rigoureux, comme celui des sciences.
4.1.5.1.1. essais cliniques, randomisation, placebo, double aveugle, analyse statistique, épidémio, CAT, RBP, EBM, EBP
5. Médicalisations
5.1. La santé mentale
5.1.1. le XVIIe siècle a marqué un tournant dans la prise en charge de ceux qui sont désignés comme fous. C’est le siècle de l’enfermement des fous.
5.1.1.1. FOUCAULT M. 1961. Folie et déraison. Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Plon.
5.1.1.2. La loi de 1838 a posé l’obligation de créer un asile d’aliénés par département en France.
5.1.1.2.1. internements sans consentement.
5.1.1.2.2. Le personnel y exerce une surveillance constante sur les reclus et les prive de leurs affaires personnelles
5.1.1.3. médecins aliénistes, psychanalystes, psychiatres
5.1.2. CMP dans les années 1960
5.1.3. approche biomédicale
5.1.3.1. psychiatrie, neurologie, les neurosciences, la génétique.
5.1.3.1.1. La folie est considérée comme une pathologie du cerveau
5.1.4. approche en psychothérapie et psychanalyse
5.1.4.1. La folie est interprétée comme le résultat de conflits internes au sujet
5.1.4.1.1. thérapies par la parole
5.1.5. approches en TCC
5.1.5.1. visent à obtenir des changements rapides de comportement
5.2. La sexualité et la reproduction
5.2.1. historique
5.2.1.1. FOUCAULT M. 1976; Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard.
5.2.1.2. stoïcisme : voir les pratiques sexuelles comme un art de vivre, en faire un usage modéré dans une visée ascétique.
5.2.1.3. La morale chrétienne, à partir du Moyen Âge, a prôné la sexualité reproductive dans le cadre du mariage.
5.2.1.3.1. certaines pratiques = pêchés (luxure, masturbation, homosexualité, prostitution, adultère, etc.)
5.2.1.4. les préoccupations natalistes des pouvoirs publics.
5.2.1.4.1. Une loi en 1920 a interdit l’avortement et la contraception
5.2.1.5. fin du XIXe siècle : sexualité comme condition de l’épanouissement de l’individu (psychanalyse, sexologie)
5.2.2. Dissocier sexualité et reproduction
5.2.2.1. CLARKE A. (1998), Disciplining reproduction. Modernity, American life sciences and the problem of sex, University of California Press.
5.2.2.2. Dans les années 1950, un mouvement féministe a financé, avec des fonds privés, des chercheurs en sciences de la vie, pour qu’ils trouvent des contraceptifs efficaces à destination des femmes.
5.2.2.2.1. pilule contraceptive et stérilet
5.2.2.3. la contraception a été légalisée en 1967 par la loi Neuwirth, puis l’avortement en 1975 par la loi Veil.
5.2.3. Médecine, sexualité et genre
5.2.3.1. les rapports sociaux de sexe influencent la sexualité et la reproduction, et réciproquement
5.2.3.1.1. BÉRÉNI L, CHAUVIN S., JAUNAIT A. et REVILLARD A. 2012. Introduction aux études sur le genre, Bruxelles, De Boeck.
5.2.3.2. Les femmes sont devenues une clientèle captive de la profession médicale.
5.2.3.2.1. obtenir des prescriptions à de nombreux moments de la vie féminine : contraception, avortement, procréation médicalement assistée, suivi de grossesse, accouchement, suivi de ménopause
5.2.3.2.2. la médecine de la reproduction centre ses interventions sur le corps des seules femmes
5.2.3.2.3. La pilule contraceptive reste le moyen le plus utilisé aujourd’hui en France pour éviter les grossesses, devant le DIU et le préservatif, à la différence de nombreux autres pays
5.2.3.2.4. les rares exemples de médicalisation de la sexualité masculine, on peut citer la diffusion du Viagra®.
5.2.3.3. Les pratiques médicales contribuent à construire les normes sociales en matière de sexualité féminine et masculine. Elles peuvent aussi renforcer des stéréotypes sur la définition de l’homme et de la femme, et la catégorisation binaire masculin/féminin.
5.2.3.3.1. prise en charge médicale des enfants qui présentent des traits sexuels ambigus, au niveau des organes, des chromosomes ou des taux d’hormones = « intersexués » (ancien terme « hermaphrodites »)
5.2.3.3.2. Ces personnes trans’ peuvent s’engager dans un long processus de négociation avec la profession médicale pour modifier leur corps et le sexe de leur état civil
5.2.4. Technicisation des grossesses et des naissances
5.2.4.1. obstétriciens et sages-femmes ont remplacé les matrones
5.2.4.2. Ils ont accumulé des connaissances pour réduire les décès des mères et des nouveau-nés, et diminuer les accidents lors des accouchements à l’origine de séquelles
5.2.4.2.1. réduction du taux de mortalité maternelle et périnatale
5.2.4.3. contraste entre la France et les Pays-Bas, pays où la médicalisation est réduite, et où un grand nombre d’accouchements ont lieu à domicile sous la surveillance d’une sage-femme
5.2.4.3.1. AKRICH M. et PASVEER B. 1996. Comment la naissance vient aux femmes. Les techniques de l’accouchement en France et aux Pays-Bas, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond.
5.2.4.4. A qui profite la gestion du risque par l’emploi des techniques biomédicales ?
5.2.4.4.1. faciliter l’organisation des accouchements et d’augmenter la productivité au travail du personnel des maternités.
5.2.4.4.2. choisir le jour et le créneau horaire de la naissance.
5.2.4.4.3. rationaliser l’emploi du temps des médecins, soignants
5.2.4.5. recherche des anomalies fœtales, diago prénataux
5.3. Médicament et pharmaceuticalisation
5.3.1. La personne qui reçoit une ordonnance pour des médicaments en consultation se voit ainsi confirmer son statut de malade par un professionnel qui incarne le savoir
5.3.2. non-observance.
5.3.2.1. une manière pour le malade d’affirmer sa capacité à contrôler sa pathologie
5.3.2.2. éviter d'être stigmatisé, contrôler la dépendance
5.3.2.3. importance de la relation du patient avec le médecin et l’histoire individuelle et sociale de la maladie
5.3.2.3.1. Le suivi de l’ordonnance dépend non seulement de la qualité de la relation soignant-soigné, mais aussi du rapport de l’individu à son corps et à sa maladie
5.3.3. prescription
5.3.3.1. les médecins néerlandais observés insistaient davantage sur la capacité du corps à se guérir seul, pour rassurer et réconforter le patient. Ils donnaient plus de conseils d’hygiène de vie, portant sur le repos, l’activité physique, la nourriture, le sommeil, la consommation d’alcool ou de tabac, etc.
5.3.3.1.1. ROSMAN S. (2010), « Les pratiques de prescription des médecins généralistes. Une étude sociologique comparative entre la France et les Pays-Bas », in Bloy G. et Schweyer F.-X., Singuliers généralistes. Sociologie de la médecine générale, Rennes, Presses EHESP, p. 117-132.
5.3.3.1.2. au pays-bas : 50 % à 60 % des consultations se terminaient avec prescription de médicaments. En France : 80 %
5.3.3.2. positivisme des medecins face aux médicaments
5.3.3.2.1. VÉGA A. (2012), « Positivisme et dépendance : les usages socioculturels du médicament chez les médecins généralistes français », Sciences sociales et santé, vol. 30, no 3, 71-102.
5.3.3.2.2. les généralistes reconduisent les prescriptions
5.3.3.2.3. la prescription permet de raccourcir la durée des consultations
5.3.3.2.4. rentabilité du secteur pharmaceutique
6. Le pouvoir des malades et de leurs proches
6.1. Rôle du malade et asymétrie de la relation au médecin
6.1.1. un « patient » (c’est-à-dire une personne prise en charge par le système médical) se trouve placé dans une relation asymétrique avec le médecin
6.1.1.1. le malade est dans un état de souffrance, de vulnérabilité et de stress.
6.1.1.2. le médecin est doté des connaissances et des compétences spécialisées dans le traitement des maladies.
6.1.2. asymétrie et dépendance : la relation thérapeutique présente toujours un risque de basculer dans l’exploitation financière du malade vulnérable par le médecin.
6.2. quatre devoirs du médecin
6.2.1. PARSONS T. 1951. « The professions and social structure », in Essays in Sociological Theory pure and applied, Glencoe, Free Press.
6.2.2. compétence technique
6.2.3. activité fonctionnellement spécifique
6.2.4. neutralité affective
6.2.5. action orientée vers le bien-être de la collectivité et non vers le profit personnel et économique
6.3. rôle de malade
6.3.1. Être socialement reconnu comme malade
6.3.1.1. être temporairement déchargé de ses responsabilités familiales, professionnelles, scolaires, civiques
6.3.1.1.1. arrêts de travail
6.3.2. n’est pas tenu pour responsable de son incapacité.
6.3.3. obligation de considérer son état comme indésirable et de vouloir aller mieux
6.3.3.1. rechercher une aide compétente pour guérir
6.3.3.2. coopérer avec les personnes qui ont charge de le soigner
6.3.4. le patient est passif. Il s’en remet au médecin qui a le pouvoir de le guérir
6.4. hiérarchies sociales
6.4.1. Plus les patients appartiennent à des catégories sociales aisées, plus ils ont une grande proximité avec les médecins, qui sont en général issus des mêmes milieux, et plus ils peuvent faire prendre en compte leur point de vue.
6.4.2. la définition des pathologies et des remèdes changeait selon les sociétés et les époques, et que, dans nos sociétés industrielles contemporaines, on pouvait trouver de grandes variations, à l’intérieur de la profession médicale, quant à la définition du problème d’un malade et au choix du meilleur traitement.
6.4.2.1. FREIDSON E. (1984, 1re éd. 1970), La profession médicale, Paris, Payot.
6.4.2.2. tradition sociologique appelée l’interactionnisme symbolique, développé à l’université de Chicago au XXe siècle.
6.5. le « travail du patient »
6.5.1. BASZANGER I. 1986. « Les maladies et leur ordre négocié », Revue française de sociologie, vol. 27, no 1, 3-27
6.5.2. relever certains signes sur son corps, participer à la réalisation des examens médicaux, surveiller certains appareils (perfusion, dialyse, etc.), transmettre des informations d’un professionnel à l’autre
6.5.2.1. le malade s’inscrit dans l’organisation des soins comme un acteur à part entière et non plus seulement comme un simple « patient »
6.5.2.2. « co-producteur » des soins médicaux
6.5.2.3. « trajectoire de maladie »
6.6. quatre états de conscience
6.6.1. ce que le patient l’ignore, mais pas le personnel (conscience fermée)
6.6.2. ce que le patient soupçonne et cherche une confirmation auprès des soignants (conscience présumée)
6.6.3. ce que l’ensemble des acteurs sait que la fin est proche, mais feint de l’ignorer dans les interactions quotidiennes (conscience feinte mutuelle)
6.6.4. ce que chacun sait ouvertement que l’autre sait (conscience ouverte)
6.7. relation medecin malade
6.7.1. FAINZANG S. 2006. La Relation médecin-malade : information et mensonge, Paris, PUF.
6.7.2. la nature des informations circulant entre le médecin et le malade dépend de la distance sociale qui les sépare.
6.7.3. chacun ne dit à l’autre que ce qu’il estime nécessaire et compréhensible pour atteindre son objectif dans l’interaction.
6.7.4. l’attitude de dissimulation se retrouve chez des patients de tous les milieux sociaux, mais ce sont les malades issus des classes populaires qui ont le plus tendance à mentir aux médecins.
6.8. maladie chronique
6.8.1. les malades "chroniques" se livrent à ce travail de construction-déconstruction-reconstruction, au gré des événements qui jalonnent les trajectoires de maladie. Ils cherchent à donner un sens à l’expérience vécue grâce à une mise en récit de soi.
6.8.2. La maladie est présentée comme une réalité à la fois biologique et sociale. Ainsi, les récits de maladie mettent fréquemment en scène le rapport de l’individu au social (intégré ou conflictuel), que ce soit dans la représentation des causes de la pathologie (extérieures à l’individu ou plutôt intérieures), les modifications engendrées par la maladie (destruction du monde vécu ou libération vis-à-vis de normes de vie contraignantes) ou les perspectives envisagées (poursuite du mode de vie antérieur au changement).
6.8.3. Ce façonnement social de la maladie est tel qu’on a pu montrer que certains symptômes (comme la douleur par exemple) ou syndromes sont littéralement constitués par les représentations sociales et culturelles des individus. Leur expression peut donc grandement varier.
6.8.3.1. ADAM P. et HERZLICH C. (1994), Sociologie de la maladie et de la médecine, Paris, Armand Colin, coll. 128.
7. Innovations biomédicales et bioéthique
7.1. évolution de « biomédicalisation »
7.1.1. CLARKE A. et al. 2000. « Technosciences et nouvelle biomédicalisation », Sciences Sociales et Santé, vol. 18, no 2, 11-42.
7.2. innovations dans le domaine de la biologie, de la chimie et de l’informatique, soutenues par un ensemble d’industries à forts enjeux économiques.
7.3. Soin ou recherche ?
7.3.1. L’essai clinique illustre le brouillage des frontières entre le soin, qui vise à améliorer la santé d’un individu, et la recherche médicale, dont le but est de faire progresser la connaissance au profit de la collectivité et des futurs malades.
7.3.2. cas du cancer
7.3.2.1. nouveau style de pratique
7.3.2.1.1. KEATING P. et CAMBROSIO A. 2012. Cancer on trial. Oncology as a new style of practice, Chicago and London, University of Chicago Press.
7.3.2.2. nouvelles molécules (comme les thérapies « ciblées »), remaniements de protocoles de polychimiothérapies, changement de mode d’administration des substances (chimiothérapies orales),
7.3.2.3. « plateformes » de recherche et de financement, recherche translationnelle, Cancéropôles
7.3.2.4. "généticisation" et réductionnisme
7.3.2.4.1. analyse des interactions entre l’ensemble des gènes (génomique) ou hypothèse que l’environnement social pourrait influencer l’expression des gènes (épigénomique)
7.3.2.4.2. mutations des gènes BRCA 1 et 2 et K du sein. nombreux tests alors que seuls 5 % des cancers du sein ont une origine génétique.
7.3.3. cas des anomalies fœtales