1. FAIRE DE L'ACCES A INTERNET ET SES RESSOURCES ESSENTIELLES UN DROIT EFFECTIF
1.1. Quel est l'objectif ?
1.1.1. Faire en sorte que tous ceux qui souhaitent utiliser Internet puissent le faire, quand ils en ont besoin, seuls ou accompagnés.
1.1.2. Faire en sorte que les démarches administratives et les services essentiels demeurent ou deviennent accessibles à tous et que la société numérique facilite vraiment la vie quotidienne.
1.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
1.2.1. La fréquentation des sites et "apps" de service public, et notamment leur usage de la part des publics éloignés.
1.2.2. L'accès facile pour tous, en ligne, au téléphone ou face à face, à des médiateurs capables de les accompagner dans l'accès aux droits et aux services essentiels.
1.2.3. La perception de la facilité d'accès aux services essentiels en ligne, notamment de la part des publics éloignés.
1.2.4. L'accessibilité des sites web publics.
1.2.5. L'ouverture des données publiques et des interfaces de programmation (API) des sites publics, et le nombre de sites et d'applications qui en font usage pour proposer d'autres formes d'accès aux mêmes informations et services.
1.3. Pourquoi est‐ce important ?
1.3.1. Plus de 80% des Français se connectent au moins de temps en temps à l'Internet12, le plus souvent à
1.3.2. "haut débit" par le câble ou l'ADSL et de manière croissante, via un mobile. La question de l'accès n'a pas pour autant perdu son importance, elle a changé de nature :
1.3.3. Parce que l'accès à Internet est désormais reconnu comme un droit fondamental découlant de la liberté d’expression et de communication, il devient politiquement essentiel d'assurer l'effectivité de ce droit.
1.3.4. Parce que l'accès est souvent considéré comme acquis, il devient difficile, parfois impossible, d'accomplir les démarches essentielles, de chercher un emploi, de se soigner, de travailler, de se loger, etc., sans participer au monde numérique.
1.3.5. Mais une fois l'accès au réseau et l’équipement en terminaux assurés, d'autres problèmes d'accès subsistent : les gens peuvent avoir du mal à utiliser les outils, ou à résoudre les problèmes qui surgissent (bugs, virus, mannes, mises à jour, etc.) ; les services peuvent ne pas être "accessibles", adaptés à des publics aux besoins particuliers, aux handicapés notamment ; l'automatisation et la standardisation des procédures induites par leur numérisation peuvent les rendre moins intelligibles pour certains publics… L'accès pour tous est une cible mouvante, qui appelle des réajustements permanents.
1.4. Comment faire ?
1.4.1. Compte tenu de ce qui précède, ainsi que de la rareté des fonds publics, la dimension "accès" d'une politique d'inclusion numérique ne peut plus consister à déployer massivement des réseaux ou à distribuer des terminaux. Elle doit cibler précisément ses destinataires et les besoins auxquels elle veut répondre. Les 5 actions que nous proposons vont dans ce sens.
1.4.2. Action N°1 : Poursuivre une politique ciblée de soutien à l'accès à l'Internet et d'accompagnement des usages
1.4.2.1. [Responsables : associations, acteurs et lieux de la médiation, avec le soutien de l'État et des collectivités territoriales] Parmi les 20% de Français non‐utilisateurs de l'Internet, une moitié environ subit l'absence de connexion. Plusieurs dizaines de milliers de foyers restent déconnectés, non par choix, mais faute de moyens. Pour d'autres individus, l'accès passera par des lieux publics, spécialisés (les espaces publics numériques, dont nous proposons d'engager une évolution ambitieuse – voir Recommandation 4) ou non (les associations solidaires, etc.). En la matière, chaque situation est spécifique et des actions trop générales (par exemple l'octroi systématique d'une machine à toute une catégorie de population…) risquent à la fois de coûter cher et de ne pas atteindre leurs destinataires. Il semble préférable d'appuyer des initiatives portées par des acteurs au contact étroit des publics en difficulté (Emmaüs, ATD Quart Monde, des associations locales ou communautaires) ou encore, d'accompagner des démarches volontaires des bénéficiaires, comme le font certaines associations qui fournissent un ordinateur reconditionné à la condition que ceux qui le reçoivent passent quelques heures, soit en formation, soit à aider l'association à leur tour. Enfin, toute l'expérience des années passées démontre que l'accès sans accompagnement de l'usage produit peu d'effet : l'action en faveur de l'accès rejoint alors celle en faveur des médiations de proximité.
1.4.2.2. Exemple : Association Défis Constatant le faible taux d’accès à Internet de la population de Lanester (56), l’association Défis a été créée en 2007 pour éviter que ceci ne constitue un obstacle supplémentaire à l’insertion des personnes défavorisées, au même titre qu’une absence de permis de conduire ou que l’illettrisme. Défis reconditionne, prête et vend des ordinateurs sous logiciels libres aux habitants à faibles revenus. L’association propose également des dispositifs de découverte des potentialités de l’informatique et des usages du Web. Des actions de soutien technique et de prêt de matériel à destination d’autres associations sont également menées. Depuis 2011, l’association anime un portail destiné à mettre en réseau les différents acteurs du reconditionnement et de l’e‐inclusion afin d’augmenter leurs synergies. http://www.defis.info/web/
1.4.3. Action N°2 : Créer un "trousseau numérique" mis à disposition de tous les Français
1.4.3.1. [Responsables : l'État pour sa définition et sa coordination ; les collectivités territoriales pour sa diffusion, en collaboration avec les associations et les dispositifs de médiation ; les entreprises pour sa mise en œuvre] Chaque citoyen doit pouvoir disposer, gratuitement si nécessaire, d'un "trousseau numérique" qui contient les éléments indispensables pour évoluer dans une société où la plupart des actes de la vie courante s'appuient sur des dispositifs numériques. Ce trousseau peut comporter une "domiciliation numérique", une identité certifiée par un agent public et rattachée à une adresse e‐mail qui, elle, peut changer ; un espace de stockage en ligne des principaux documents administratifs numérisés ; un numéro de téléphone et une messagerie, etc. Si le contenu du trousseau, les standards sur lesquels il s'appuie et les formats des données essentiels qu'il contient doivent être définis de manière commune, il pourrait ensuite être mis en œuvre par des entreprises ou des innovateurs sociaux, pourquoi pas en concurrence les uns vis‐à‐vis des autres, sous réserve que le choix d'un fournisseur de service n'enferme pas l'individu qui en bénéficie dans une relation exclusive, et que la protection de ses données personnelles soit assurée
1.4.3.2. Exemple : Association Reconnect L’association Reconnect a développé une solution de « Coffre‐fort numérique solidaire » à la suite d’une initiative d’offre de téléphonie solidaire. Le dispositif consiste à donner accès à des documents dématérialisés, consultables à tout endroit, sur un espace de stockage sécurisé. Le but est de permettre aux publics précaires, tels les sans‐abri, d’être assurés de ne pas perdre leurs documents administratifs, indispensables pour accéder à leurs droits (RSA, etc.). Il permet également aux différents travailleurs sociaux qui interviennent de ne pas avoir à recréer les documents administratifs et de se concentrer sur leurs autres missions. La mise en place du Coffre fort est accompagnée de formations à la prise en main et à la maîtrise des techniques de numérisation. L'association travaille avec un certain nombre de relais sur le terrain (Armée du Salut, Habitat et Soins, Prévention et Soin des addictions, etc.). http://www.groupe‐sos.org/structures/708/Reconnect
1.4.4. Action N°3 : Développer des "tarifs sociaux" ciblés pour l'Internet et le mobile
1.4.4.1. [Responsables : l'État et l'Arcep, les offices HLM, les opérateurs, les collectivités territoriales] Les abonnements à l'Internet et au mobile représentent une part importante des dépenses des ménages les plus modestes. Pire, les dispositifs prépayés finissent par aboutir à des situations dans lesquelles les plus modestes paient plus cher leur minute de communication, leur message, que les autres, plus gros utilisateurs ! Il faut, d'une part, encourager l'existence de politiques tarifaires spécifiques visant les publics en difficulté, proposées par les acteurs privés. D'autre part, des initiatives intelligentes peuvent conduire à réduire fortement la facture pour des ménages modestes. C'est en particulier le cas dans l'habitat social, où la mutualisation des coûts de raccordement, assumés en coopération entre les opérateurs et les offices HLM et répercutés dans le loyer de tous les locataires, permet ensuite de proposer un abonnement très peu coûteux aux foyers qui le désirent. Ce raccordement mutualisé ouvre aussi la possibilité de nouveaux services de suivi des consommations (eau, gaz, électricité) à même d'aider à réduire les factures des foyers. Nous proposons que des offres similaires deviennent obligatoires dans le bâti neuf et que toute entreprise de rénovation significative d'un parc inclue également l'installation du haut débit jusqu'aux appartements.
1.4.4.2. Le Très Haut Débit est‐il une politique d'e‐inclusion ? Contrairement au haut débit, le "très haut débit" (THD) ne répond pas aujourd'hui à une demande des ménages, ni même de la plupart des entreprises : il s'agit plutôt d'un pari ambitieux sur l'avenir, fondé sur la conviction – raisonnable – que la montée en débit fera émerger de nouveaux usages, ouvrira à la voie à de nouveaux services et imposera, tôt ou tard, des nouveaux "standards" de connectivité et de réactivité aux entreprises. Le déploiement du très haut débit ressort d'abord d'une stratégie de compétitivité économique (pour les entreprises utilisatrices) et de développement du marché, que l'on peut saluer, mais certainement pas d'une stratégie d'inclusion sociale. C'est vrai en France comme à l'étranger : le THD se déploie en priorité dans les zones urbaines denses ou auprès des entreprises et on ne s'approche nulle part, même en Corée du Sud, des 100% de connexion14. Il n'y a guère d'hypothèses dans laquelle le développement du THD ne commencerait pas, au moins au départ (mais probablement pour de longues années) par creuser l'écart entre les territoires. Compte tenu de la lenteur avec laquelle le THD se déploie en France par comparaison à nos voisins et concurrents, on ne peut que saluer la volonté du gouvernement, des collectivités locales et de certains opérateurs d'accélérer le rythme. Toutefois, il serait très dommageable que la mobilisation autour du THD détournât complètement l'attention des élus comme les moyens financiers des objectifs d'e‐inclusion que sont l'accès pour tous, la littératie, le développement du "pouvoir d'agir" et celui des médiations. D'autant que l'argument selon lequel il sera toujours temps de le faire plus tard apparaît peu crédible : il y aura toujours une nouvelle génération technologique, toujours de nouveaux tronçons de réseau à déployer. Il faut donc faire en sorte de "sanctuariser" des budgets consacrés à l'inclusion, à l'innovation sociale appuyée sur le numérique, aux médiations…, par exemple en réservant à cet effet, de manière obligatoire, un petit pourcentage des investissements dans le THD.
1.4.5. Action n°4 Harmoniser les sites d’accès aux services publics par des interfaces cohérentes
1.4.5.1. [Responsables : l'État pour la définition de lignes directrices et pour ses propres administrations, les services publics et les collectivités territoriales pour leurs sites] Les services publics15 ont une responsabilité dans le design de l’expérience des interfaces d’accès à leurs services en ligne. L'État se doit de penser son offre de services publics d'une façon qui soit pertinente dans le parcours d'usage des utilisateurs et doit porter une attention particulière à la cohérence de ses interfaces. Quel que soit le service auquel l’usager veut accéder, il doit retrouver les mêmes façons de fonctionner, la même architecture d’information, la même façon de naviguer, le même langage, la même façon de s’adresser au citoyen. L’État doit être garant que l’expérience usager soit simple, efficace et pertinente par rapport au contexte et aux moments où il les utilise. Ceci passe par un programme de refonte de tous les sites d’accès aux services publics, appuyé sur une charte de principes de design et de conception pour les interfaces numériques.
1.4.6. Action N°5 : Faire de l'accessibilité des sites et des "apps" une obligation
1.4.6.1. [Responsables : l'État pour la définition de lignes directrices et pour ses propres administrations, les services publics et les collectivités territoriales pour leurs sites] L'accessibilité des sites web publics aux handicapés reste aujourd'hui très insuffisante. Selon une étude européenne, la France se place avant‐dernière en matière d’accessibilité des sites web publics. 28 % des répondants français ayant une affection de long terme ou un problème de santé déclarent avoir eu des difficultés à utiliser un site public. Ceci, contre 4 % pour Malte – 1er au classement européen, et 19 % pour la moyenne européenne. 66% des Français déclarent qu'eux ou leurs proches n'ont jamais rencontré de problème d'accessibilité, quand ce taux dépasse 80 % en Suède, en Slovaquie et à Malte.16 Qui plus est, chaque nouvelle génération technologique remet en question les efforts consentis au préalable. Pourtant, ne pas garantir l'accessibilité des sites publics alors même que la présence des services publics sur le territoire se réduit, revient à exclure de fait les personnes en situation de handicap de la vie commune. Et l'on sait, depuis plusieurs années, que les efforts en matière d'accessibilité profitent également à de très nombreuses personnes "valides".
1.4.6.1.1. Nous proposons par conséquent :
1.4.6.1.2. Sans attendre l’adoption éventuelle de la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'accessibilité des sites web d'organismes du secteur public, de rendre contraignant l’application du Référentiel général d’accessibilité des administrations (RGAA), en l’assortissant de sanctions en cas de non‐application.
1.4.6.1.3. La mise en avant des sites administratifs qui ont déjà fait l’effort de mise en conformité avec les normes du W3C (WCAG 2.0) et la création de référentiels de conception proches de ceux de l'administration britannique18. Un concours, pourquoi pas ouvert à des sites privés de "services au public", pourrait donner un caractère positif à cette mobilisation en faveur de l'accessibilité.
1.4.6.1.4. L’évolution du web étant constante, d’encourager les recherches permettant de faire évoluer au même rythme les référentiels d’accessibilité. évoluer au même rythme les référentiels d’accessibilité.
1.4.6.1.5. Alors que l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) vient d’adopter un traité19 permettant de desserrer les contraintes de propriété intellectuelle pesant sur l’accès aux œuvres pour les aveugles et les malvoyants, qu'un dispositif législatif vienne limiter la durée des brevets sur du matériel ayant fait l’objet d’un reconditionnement par un organisme agréé
1.4.6.2. Exemple : eAccessibility Network eAccessibility Network est un réseau de diffusion de bonnes pratiques pour l’accessibilité, coordonné par l’université de Linz en Autriche, qui implique un groupe d’universités, associations et laboratoires issus de 15 pays. Le projet, mené de 2010 à 2013 vise à impulser la migration vers les normes W3C/WCAG 2.0, et à adresser la nature fragmentée des lignes directrices en matière d’e‐accessibilité. Il a été doté d’une enveloppe de 740 000€. http://ec.europa.eu/information_society/apps/projects/factsheet/index.cfm?project_ref=2
1.5. Comment financer cette priorité ?
1.5.1. Certaines des actions que nous proposons en matière d'accès se confondent avec les actions proposées en matière de médiation, dont nous décrivons le financement par ailleurs. Le "trousseau numérique" peut être développé à peu de frais par de multiples acteurs. Certains consortiums d'entreprises tels qu'Idénum, pourraient également prendre des initiatives dans ce domaine. Les coûts par utilisateur resteraient très faibles et l'on pourrait imaginer que des services à valeur ajoutée payants viennent enrichir les offres de base. Certaines entreprises et certains offices HLM proposent déjà des tarifs sociaux très peu coûteux. Les mesures proposées pourraient s'inspirer de ces exemples pour les étendre. S'agissant des autres actions, nous proposons que leur financement représente un pourcentage, même faible, des investissements prévus en matière de très haut débit
2. FAIRE DE LA LITTÉRATIE POUR TOUS, LE SOCLE D’UNE SOCIETE INCLUSIVE
2.1. Quel est l'objectif ?
2.1.1. Chaque personne doit pouvoir accéder à la littératie numérique, qui se définit comme « l'aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses compétences et capacités »20. Cet accès est à la fois un impératif moral et une nécessité économique.
2.1.2. Chaque personne passée par l’éducation nationale doit y avoir acquis une littératie numérique.
2.1.3. De même, chaque personne ayant suivi une formation professionnelle doit y avoir acquis les composantes numériques indispensables à l’exercice de la profession correspondante.
2.1.4. La formation ayant de plus en plus vocation à se mener tout au long de la vie, les dispositifs correspondants doivent également inclure des acquis de littératie numérique. Celle‐ci doit, entre autres, permettre aux personnes qui n’ont pas ou peu bénéficié du système scolaire initial, d’acquérir les bases d’une culture numérique qui leur permette de vivre, travailler, et évoluer dans un monde plus en plus numérique
2.1.5. Chaque personne en situation d’exclusion ‐ précaire, migrant, sans‐papiers, sans abri ou détenu… –, doit pouvoir acquérir les bases indispensables de littératie numérique pour que le numérique ne devienne pas pour elle une double peine et facilite au contraire sa réinsertion sociale.
2.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
2.2.1. Le nombre de professionnels (de l’enseignant en milieu scolaire jusqu’au travailleur social, en passant par les formateurs en entreprise ou l’enseignant universitaire) préparés à la diffusion de la littératie numérique pourrait constituer un indicateur utile.
2.2.2. La progression vers l’objectif de 100% des élèves de lycée, collège, primaire, éduqués au numérique.
2.2.3. Le travail sur les indicateurs quantitatifs et qualitatifs préconisé dans la recommandation n°7
2.2.4. doit construire en priorité les outils de mesure de la pénétration de cette littératie dans la population en général.
2.3. Pourquoi est‐ce important ?
2.3.1. Comme l’affirme l’Académie des sciences, il s’agit de « donner à tous les citoyens les clés du monde du futur, qui sera encore bien plus numérique et donc informatisé que ne l’est le monde actuel, afin qu’ils le comprennent et puissent participer en conscience à ses choix et à son évolution plutôt que de le subir en se contentant de consommer ce qui est fait et décidé ailleurs. »
2.3.2. Cet objectif repose sur l’acquisition d’un bouquet de compétences et connaissances, que nous appelons littératie numérique. Sans cette littératie, la personne est confrontée à un véritable handicap cognitif, qui peut se révéler aussi violent que l’analphabétisme, et qui affaiblit fortement 20 OCDE, La littératie à l’ère de l’information, 2000
2.3.3. voir « L’enseignement de l’informatique en France : Il est urgent de ne plus attendre », 2013, http://www.academie‐sciences.fr/activite/rapport/rads_0513.pdf
2.3.4. Par ailleurs, l’illettrisme numérique de trop d’employés et cadres, même à haut niveau, est devenu un lourd handicap pour la créativité de notre industrie et la compétitivité de notre économie. Notre économie souffre également d’un fort déficit en spécialistes du numérique.
2.3.5. L’introduction de la littératie numérique marque un saut qualitatif dans les apprentissages à acquérir comme dans les méthodes permettant de mener ces derniers à bien. Les compétences instrumentales et fonctionnelles ne peuvent être dissociées de la conscience des changements sociétaux à l’œuvre, et des changements de responsabilités individuelles et collectives qui s’ensuivent : nécessité de coopération, de créativité, de projection dans le futur, de changement des modes de consommation, de relation nouvelle aux énergies et aux ressources naturelles. Il faut donc que chacun accède à la littératie numérique.
2.3.5.1. Le concept de littératie numérique présente deux avantages :
2.3.5.1.1. Englobant dès le départ un vaste éventail de compétences (techniques, de traitement de l’information, de capacité à communiquer…), il peut accueillir les connaissances dont nous aurons besoin demain. Les apprentissages indispensables aujourd’hui (ex : gérer son identité numérique, vérifier la validité d’une information en ligne) seront tout autre dans le futur (ex : se former via un MOOC, réussir l’observance de sa propre pathologie en surveillant ses données vitales sur un capteur implanté).
2.3.5.1.2. Il offre un cadre politique cohérent aux multiples acteurs (professionnels de l’éducation et de la formation, médiateurs, formation professionnelle…) qui aujourd’hui agissent en ordre dispersé. Ce cadre doit leur permettre de se mettre en réseau, de se coordonner, de partager une vision et ce faisant de gagner en efficacité
2.4. Comment faire ?
2.4.1. Action‐clé N°1 : Former massivement à la littératie numérique de l’enfance à l’âge avancé
2.4.1.1. [Responsables : les responsables politiques au plus haut niveau, le ministère de l’éducation nationale, les écoles, les collèges, les lycées, les universités, les grandes écoles, les écoles professionnelles, etc.] Il faut donc : Déployer l’enseignement de la littératie numérique, depuis le primaire jusqu’au lycée, dans toutes les filières. Cet enseignement doit inclure notamment la discipline informatique, mais également toutes les autres composantes d’une véritable culture critique du monde numérique. De la même manière, développer, à l’université, dans les écoles professionnelles, dans les grandes écoles, la culture générale du numérique, au‐delà des simples usages. Expérimenter et déployer des formes modernes d’enseignement, sans doute plus importantes dans ce domaine très évolutif et très « sociétal » : apprentissage par expérimentation, personnel ou en groupe ; e‐learning et Moocs, apprentissage individualisé à partir de contenus ; développement de l’esprit d’exploration et de recherche, et ce, dès le plus jeune âge ; développement de l’esprit de partage, de l’aptitude à la collaboration ; rapprochement de la formation avec les tiers lieux innovants comme les FabLabs, etc.
2.4.1.2. Exemple : L’enseignement de l’informatique en Grande‐Bretagne. Un nouveau curriculum a été décidé en 2013 par le gouvernement de David Cameron et il a été mis en œuvre avec une très grande rapidité sur tout le territoire. Il affiche des objectifs de littératie pour tous à une échéance de trois ans. Il met l’accent sur les compétences informatiques, plutôt que sur l’apprentissage d’outils comme le traitement de texte. Les enfants du primaire apprennent déjà la programmation, mais il s’agit maintenant que chacun puisse acquérir des compétences multiples, qui lui permettront de réaliser des projets créatifs dans le cadre du numérique. Ainsi, chaque élève apprendra à utiliser et maîtriser les technologies du numérique plutôt qu’en être l’esclave. https://www.gov.uk/government/publications/national‐curriculum‐in‐england‐computing‐programmes‐of‐study
2.4.1.3. Exemple : L’aventure du savoir : quand le numérique ouvre l’école sur les réseaux savants L’expérience de la classe d’Ange Ansour, à l'école Paul‐Vaillant‐Couturier de Bagneux, montre comment le numérique décuple les possibilités de formation. L’observation d’une fourmilière installée dans un grand bac au cœur de la classe a été la base de tous les apprentissages de l’année. En observant les trajets des fourmis et en apprenant à relever leurs sécrétions, les élèves ont appris à faire une maquette numérique. Les enseignements de calcul, de géométrie, de biologie en ont découlé. L’écriture elle‐aussi a été stimulée par les besoins d’échange issus des questions que se posaient les enfants. Ils ont appris à tenir un carnet de recherche en ligne, à alimenter la base scientifique Vikidia (encyclopédie libre pour enfants), à s’exprimer via un compte Twitter (@classeAnsour #conseildechercheur) suivi par des journalistes scientifiques, des curieux et d’autres classes. Le numérique engage les enfants dans une Knowledge adventure, qui donne tout son poids à une pédagogie ouverte, héritière des pédagogies actives
2.4.2. Action‐clé N°2 : Former au numérique les publics exclus (précaires, migrants, sans‐papiers, détenus, etc.)
2.4.2.1. [Responsables : les administrations nationales et territoriales, les associations, les entreprises par le biais du mécénat.] Le numérique est essentiel aussi pour ces publics, parfois plus que pour d’autres : il joue, par exemple, un rôle important pour les migrants, dans la préservation du lien social et familial, ou, pour beaucoup de précaires, dans la recherche d’emploi. Pour ces exclus, l’usage des techniques de communication peut se révéler un levier fantastique de transformation de la vie personnelle, et un outil de reconquête de la dignité et l’estime de soi. Mais les tâches de formation s’avèrent souvent complexes. Il faut d’abord être suffisamment « inclus » pour accepter le temps long d’une formation dans un EPN. D’autre part, les associations (ATD Quart Monde, Emmaüs, R2K et bien d’autres) sont loin de couvrir l’ensemble des besoins. Il faut donc réaliser un effort important et spécifique pour la formation de ces publics au numérique. Pour garantir l’exercice des droits et permettre l’insertion, il faut, en s’appuyant notamment sur les espaces de médiation (cf. recommandation n° 4) : Former au numérique, le plus largement possible, sur le long terme, tous les publics exclus qui le demandent. Adopter une démarche « en situation », qui épouse les capacités, s’adresse à de petits groupes, et intègre la complexité sociale. Concentrer des actions de formation dans les lieux de rencontre où s’échangent repas, vêtements, livres ; enrichir ces rencontres avec des « graines » de formation numérique, à l’aide de matériels légers (tablettes et netbooks). Accompagner les formations FLE (Français langue étrangère) avec des ressources numériques, en s’appuyant sur les réseaux de formation ou de RESF (aide aux parents d’enfants parrainés). Développer la culture numérique dans les prisons, et la transformer en un outil essentiel de réinsertion. Une politique de réinsertion ne peut plus ignorer la difficulté de détenus à se représenter le monde Internet, et esquiver leur désir fort de participer au monde numérique.
2.4.2.2. Exemple : En prison, la littératie numérique des détenus donne un élan pour la réinsertion En 2011 l’espace Cyberbase justice de Gradignan a obtenu un trophée pour son action en faveur de la recherche d’emploi pour les détenus. Depuis, les expériences sont restées rares et les listes d’attentes trop longues. Dans un avis du 20 juin 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté notait que « jamais un juge n’a condamné quelqu’un à être privé d’Internet ».
2.4.2.3. Exemple : A la Gaîté Lyrique, un libre‐service informatique utile aux migrants sans domicile La Gaîté Lyrique ouvre au public son centre de documentation numérique. Depuis quelque temps, il est fréquenté par un groupe de jeunes Afghans. La documentaliste du lieu, loin de considérer cette occupation comme un détournement, s’est associée à Bibliothèque sans frontières pour s’adapter à ce besoin de lire, en situation de grande urgence, et élargir l’aide possible à des formations numériques utiles.
2.4.3. Action –clé N°3 : Former les enseignants, les formateurs professionnels, les travailleurs sociaux
2.4.3.1. [Responsables : le ministère de l’éducation nationale, les ESPE – écoles supérieures du professorat et de l’éducation – les administrations territoriales, les écoles, les collèges, les lycées, les universités, les grandes écoles, les écoles professionnelles, les associations, les entreprises de formation professionnelle.] L’acquisition générale de la littératie numérique est d’abord fondée sur la formation des formateurs (pris ici au sens générique du terme, quel que soit le statut ou le public auquel est dispensé l’enseignement), et sa réussite dépend principalement de la qualité de cette formation. Les professeurs et formateurs, au‐delà de ceux qui enseignent la littératie numérique, tout comme les travailleurs sociaux, doivent intégrer la littératie numérique dans leurs pratiques professionnelles. Il faut les encourager à utiliser les outils du numérique, à enrichir leur pédagogie « avec le numérique », et à développer de nouveaux espaces de pensée. Cela conduit à : Définir une politique globale de formation au numérique des futurs enseignants et formateurs dans tous les domaines (cf. encadré pour l’enseignement initial). Stimuler le déploiement de plans de formation, de certification et de validation de compétences en impliquant la VAE (validation des acquis de l’expérience). S’appuyer sur les actions en cours. Ex : au Ministère de l’éducation nationale, on peut citer l’action « Collèges connectés » et l’objectif « Littératie numérique » dans les nouvelles Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ESPE) ; au Ministère de la recherche, le Plan « France Universités Numériques ». S’appuyer aussi sur les communautés d’enseignants qui s’impliquent depuis des années dans une pédagogie du numérique, et les mobiliser sur cet objectif de littératie numérique. Remobiliser les acteurs de l’éducation populaire qui pour certains ont déjà une longue expérience de l’enseignement de l’informatique et peuvent élargir leurs actions à la littératie. Permettre aux médiateurs d’évoluer vers une compétence plus globale en matière de littératie numérique (cf. recommandation 4)
2.4.4. Action‐clé N° 4 Construire le préalable à l’informatique dans la formation initiale : la formation des formateurs
2.4.4.1. Un consensus se construit depuis quelques années sur le fait que l’informatique, doit être enseignée dans la formation initiale. Mais la mise en place est complexe car il convient d’abord de former des formateurs. Ceci implique notamment : D’introduire l’informatique, « à forte dose », dans la formation des professeurs et formateurs dont ce n’est pas la compétence principale, notamment les professeurs des écoles. De former et recruter des enseignants spécialistes, notamment en informatique. D’utiliser les dispositifs de formation distribuée (type e‐learning ou Moocs) pour organiser de l’échange de savoir entre enseignants
2.4.5. Action N°5 : Constituer des référentiels communs de littératie numérique
2.4.5.1. [Responsables : les communautés d’acteurs déjà impliquées dans la formation au numérique, en lien avec les collectivités territoriales et l’État] Les différents collectifs qui portent d’ores et déjà des expérimentations ou des méthodes d’apprentissage de la littératie numérique dans les territoires, dans les collèges, sur le temps extrascolaire des écoles primaires, dans les lieux de médiations… peuvent se rassembler pour construire pour co‐construire sur un mode ascendant des référentiels communs de littératie numérique, décrivant les compétences qu’ils souhaitent y voir figurer et les méthodes qu’ils souhaitent diffuser. Ces communautés peuvent se constituer selon les cas autour de proximités géographiques, de publics destinataires ou de milieu d’intervention (entreprise espace de médiation…). Contrairement aux enseignements traditionnels qui peuvent se contenter de révisions à intervalles plus ou moins longs des « programmes », la littératie numérique demande une adaptation constante à la fois de contenu et de méthode en fonction de l’évolution de notre environnement technique, sociologique et économique, ce qui implique que cette révision puisse se faire au fil de l’eau, communauté par communauté de formateurs. À partir de ce travail de mise en réseau pour la co‐construction des référentiels, peut et doit émerger une vision nationale de ce que l’on entend par littératie numérique. Cette stratégie nationale de littératie numérique peut contribuer à stimuler l’Agenda Numérique européen
2.5. Comment financer cette priorité ?
2.5.1. En créant dès à présent des postes de littératie numérique et en procédant aux recrutements correspondants à l’extérieur de l’éducation nationale des intervenants compétents, sans attendre la formation amont des enseignants qui doit se mettre en place en parallèle. En recrutant dès à présent des intervenants capables de venir appuyer les enseignants de différentes matières pour introduire la littératie numérique dans leurs projets pédagogiques (cf. l’exemple supra de Bagneux) En maximisant l’efficacité de la formation au numérique ; en actualisant, de façon concertée, les contenus de la formation ; en transformant les méthodes d’acquisition ; en définissant des actions fléchées vers la littératie numérique ; En attirant sur ces programmes des fonds de la formation professionnelle (fonds de sécurisation des parcours, DIF, FONGECIF, plans de formation) grâce à la prise de conscience des branches professionnelles et organismes syndicaux ; En incitant les entreprises publiques et privées, notamment les entreprises du Web, à soutenir ces formations dont elles peuvent être les premières bénéficiaires, via le mécénat de compétences, des actions solidaires, des cours… En s’appuyant sur des budgets européens (Agenda numérique européen) En chiffrant les bénéfices induits par ce développement de la littératie numérique
3. S'APPUYER SUR LE NUMÉRIQUE POUR RENFORCER LE "POUVOIR D'AGIR" DE TOUS LES CITOYENS
3.1. Quel est l'objectif ?
3.1.1. L'objectif est de s'appuyer sur la promesse d'un numérique qui brouille la différence entre producteurs et consommateurs, entre amateurs et professionnels, pour développer de manière significative et mesurable la contribution des citoyens aux initiatives collectives locales, aux débats publics, aux projets collaboratifs ; qu'ils se déroulent en ligne, dans l'espace physique ou les deux à la fois.
3.1.2. Redonner aux publics en difficulté la confiance en eux nécessaire pour retrouver le chemin d'une participation sociale, culturelle, économique et citoyenne active.
3.1.3. Susciter un renouveau de la vie collective : vie locale, événements culturels, partage de compétences ou de ressources, etc.
3.1.4. Encourager la multiplication des collectifs formels (associations, SCIC, etc.) ou informels qui s’auto‐organisent pour gérer des ressources matérielles ou immatérielles en biens communs
3.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
3.2.1. Le nombre, l'intensité et la fréquence de la participation des individus et associations à "l'espace public" numérique, du plus humble des forums au plus fameux des blogs, de la simple correction sur Wikipédia au "lancement d'alertes".
3.2.2. La participation aux débats publics en ligne, physiques, ou "hybrides" portés par des pouvoirs publics ou initiés par des collectifs de citoyens.
3.2.3. Le nombre, l'efficacité et la portée des initiatives d'"innovation sociale" sur les territoires et au-delà.
3.3. Pourquoi est‐ce important ?
3.3.1. Parce que l'inclusion ne peut se résumer au fait d'avoir une identité sociale, un emploi, un toit et des moyens de subsistance : être "inclus", c'est être citoyen, c'est pouvoir s'exprimer et agir sur son destin comme sur son environnement. Dissocier la capacité d’action collective de l’inclusion, ce serait alimenter le rejet de la poli que, mais aussi par ciper à un cercle vicieux de marginalisation qui peut prendre la forme d’une perte de civilité, d’attirance pour des extrémismes politiques ou religieux, etc.
3.3.2. Parce que l'une des plus formidables promesses du numérique, notamment depuis l'avènement de la micro‐informatique et de l'Internet, est l'augmentation du "pouvoir d'agir" des individus, des "consommacteurs". Si cette promesse s'avérait fausse pour les publics qui connaissent déjà des difficultés, alors le numérique alimenterait l'exclusion et la désaffiliation plutôt que l'inverse.
3.3.3. Parce que la montée en puissance de l'innovation sociale et des activités en commun, entendue comme une troisième source d'action collective à côté de l'action publique et du marché, est une tendance forte.
3.3.4. Parce qu'in fine, elle est indispensable pour répondre aux enjeux majeurs de notre société et de notre économie, notamment là où des "externalités" massives sont à l'œuvre : transition écologique, vieillissement de la population, etc. Et c'est notamment grâce au numérique que l'innovation sociale pourra s'enrichir, s'étendre, passer à l'échelle, se pérenniser.
3.4. Comment faire ?
3.4.1. Une politique favorable au "pouvoir d'agir" doit à la fois soutenir ce qui émane des citoyens et ouvrir la manière de produire les politiques publiques elles‐mêmes. Elle repose sur cinq actions‐clés, dont certaines étendent des politiques déjà engagées :
3.4.2. Action‐clé N°1 : lancer un grand programme de "codesign" des politiques publiques
3.4.2.1. [Responsables : État, services publics, collectivités locales] Partout dans le monde et, en France, dans un nombre croissant de villes et de régions, des initiatives repensent le "design" de l’action publique, en s’appuyant sur des pratiques coopéra ves, me ant à contribution les destinataires des services publics ainsi que ceux qui les feront fonctionner au quotidien : concevoir ensemble le lycée ou la maison de santé de demain, revoir le parcours des patients à l'hôpital, construire l'Agenda 2122, etc. L'objectif : se mettre à la place des usagers, imaginer des solutions inédites issues du terrain, insuffler de la créativité et multiplier les points de vue mais aussi, faire partager le projet (et par conséquent son résultat) par ceux qui le vivront ensuite au quotidien, en gage d'efficacité et d'adhésion. Ces méthodes demeurent trop peu connues et peu sollicitées en France, en particulier à l’échelle de l'État. Les politiques d'inclusion d'une part, la transformation numérique des services publics de l'autre, pourraient constituer des terrains d'expérimentation prioritaires.
3.4.2.2. Exemples : La Transfo et Kafka Brigade Le programme expérimental "La Transfo" de la 27e Région (France) vise à prototyper avec les régions partenaires (PACA, Pays de la Loire, Bourgogne et Champagne‐Ardenne) leurs propres fonc ons de « design & innova on ». À cette fin, une équipe pluridisciplinaire de « résidents » est embarquée pendant 10 semaines sur deux ans au sein de l’administra on régionale. Ces résidents travaillent avec des agents régionaux sur un thème donné, ce qui permet de tester concrètement la future fonction, ses méthodes, son équipe, son inscription dans l’organigramme régional, etc. http://territoiresenresidences.wordpress.com/ Kafka brigade (Pays‐Bas) est une équipe de recherche‐action sans but lucratif qui lutte contre les dysfonctionnements bureaucratiques. Elle intervient également à la demande des responsables politiques ou administratifs pour les aider à dépasser les problèmes bureaucratiques en mobilisant les usagers de ces services. ‐ http://www.kafkabrigade.nl
3.4.3. Action‐clé N°2 : reconnaître et soutenir l'innovation sociale
3.4.3.1. L'innovation sociale ne pourra cependant jouer ce rôle qu'à deux conditions :
3.4.3.1.1. ne pas servir d’alibi au désengagement de l’action publique (sur le modèle britannique de la « Big society » dont on constate l’échec23) ; dépassant l’opposition entre État providence et État minimal, l’innovation sociale doit pouvoir s’appuyer sur un « État plateforme » 23 Voir par exemple la position de David Robinson, leader du secteur associatif britannique : http://www.theguardian.com/society/patrick‐butler‐cuts‐blog/2012/jul/12/big‐society‐as‐much‐use‐as-ashtray‐ on‐motorbike‐david‐robinson
3.4.3.1.2. et être accompagnée, c’est‐à‐dire à la fois soutenue financièrement mais aussi aidée dans sa formation aux outils et aux méthodologies coopératives et dans sa dissémination.
3.4.3.1.3. Ce second point n'a rien d'extraordinaire : l'innovation économique a très souvent besoin de soutien public et de nombreux dispositifs y pourvoient. Les dispositifs existants de soutien à l'innovation doivent apprendre à reconnaître la valeur de l'innovation sociale, à évaluer ses projets et leur "rentabilité" (sur des critères qui ne peuvent être exclusivement financiers, mais intègrent leur capacité à bousculer nos habitudes en matière de mutualisation, de partage, d’attention portée aux autres…), et soutenir les meilleurs projets avec des outils adaptés. Il faut alors prévoir : qu'un groupe de travail définisse rapidement une "doctrine d'engagement" des dispositifs de soutien à l'innovation, adaptée à l'innovation sociale ;‐ qu'un pourcentage des financements de certains appels à projets soit réservé en priorité à des projets d'innovation sociale. En outre, les dispositifs historiques de financement du tiers secteur et de l’Économie Sociale et Solidaire doivent s'ouvrir plus largement à l'innovation, au métissage entre acteurs, et à l’exploitation du numérique dans la poursuite d'objectifs sociaux.
3.4.3.1.4. Mobiliser le fonds d’innovation sociale En juillet dernier se sont tenues les rencontres du financement de l’économie sociale et solidaire, au cours desquelles le ministre Benoit Hamon a présenté les nouveaux dispositifs de financement de l’ESS envisagés par la Bpifrance (banque publique d’investissement) et la CDC (caisse des dépôts), dont le « fonds d’innovation sociale » doté de 20 millions d’euros. D’après la Bpi25, l’objectif poursuivi est de développer, grâce à ce support, les instruments financiers adaptés aux risques spécifiques liés au développement de projet socialement innovants, en mobilisant l’ensemble des acteurs financiers spécialisés les plus susceptibles de les soutenir, tant côté public (OSEO Innovation/Bpifrance financement, régions, CDC) que côté privé (fonds d’investissement spécialisés, soit dans le financement de l’ESS, tels France Active ou l’IDES, soit dans la recherche d’innovations sociales, tels le Comptoir de l’innovation, Phitrust, etc.). Ce fonds serait dédié au financement, sous forme d’avances remboursables, de projets socialement innovants. Nous nous réjouissons de l’annonce de ce dispositif et encourageons vigoureusement les parties prenantes à ce fonds d’apporter une attention particulière aux initiatives permettant de croiser numérique et inclusion sociale.
3.4.4. Action‐clé N°3 : inventer "l'État‐plateforme" pour outiller numériquement le pouvoir d'agir
3.4.4.1. [Responsables : l'État (Etalab, SGMAP…) comme organisateur, référenceur et tous les autres acteurs publics nationaux et territoriaux.] En s'engageant dans l'ouverture des données publiques (open data), l'État et les collectivités territoriales favorisent à la fois la transparence démocratique et l'émergence d'initiatives tierces, en matière de services d'information, de connaissance scientifique et de débat public. Ce premier pas doit être suivi d'autres : en matière de transparence, avec la publication dématérialisée des rapports d'expertise qui sous‐tendent la décision publique, des rapports d'évaluation des politiques publiques ou encore, des comptes des organisations qui bénéficient de financements publics. En matière de contenus, en élargissant les frontières de l' open data, le libre accès à la recherche scientifique publique, et le périmètre des œuvres de l’esprit produites sur fonds publics réutilisables, dans le respect des droits de la création. Au‐delà des données, l'ouverture des ressources informatiques publiques devrait aussi s'étendre à certains des programmes informatiques (calcul de droits, information en temps réel, etc.) – au travers d'interfaces de programmation ou "API" –, de manière à permettre à des tiers de produire des représentations ou des services que l'administration ne serait pas en mesure (ou en droit) de proposer.
3.4.5. Action‐clé N°4 : augmenter le débat public
3.4.5.1. [Responsables : l'État (notamment la Commission nationale du débat public), collectivités territoriales, communautés citoyennes, think tanks, communautés de chercheurs…] Les expériences de débat public alliant dispositifs présentiel et en ligne ont su montrer leur intérêt, lorsque les moyens nécessaires à une véritable animation sont donnés. Ce type d’expériences est déjà largement documenté dans le monde scientifique26 mais peine à diffuser dans le monde politique, qui est réticent à la fois pour des raisons financières, de temporalité (la consultation prend du temps) et de peur de perte de pouvoir. Pourtant, dans un monde plus complexe que jamais, ces débats sont indispensables, et constituent une ressource pour la puissance publique. Par ailleurs, le débat public ne s'organise pas nécessairement là où les acteurs publics l'ont choisi. Des associations, des groupes de citoyens, ont su créer des dispositifs efficaces de "voie de retour" entre les citoyens et les institutions (ex : FixMystreet) ou de décryptage et d’analyse de l’offre publique (ex : TheyWorkForYou). Nous proposons : que les dispositifs réglementaires de débat public comportent tous une part numérique et que celle‐ci s'appuie, dans la mesure du possible, sur des plates‐formes existantes et partagées plutôt que des dispositifs ad hoc. que les débats publics soient alimentés en amont (et non pas a posteriori comme c’est le cas actuellement) par des documents ouverts, permettant au citoyen de documenter son choix que la Commission nationale du débat public soit chargée d'animer un travail de capitalisation des expériences passées et à venir, intégrant à la fois les initiatives "officielles" et les initiatives issues du terrain. que les actions en faveur de l'innovation sociale s'intéressent en particulier aux plates-formes de débat public et de remontée d'information, ainsi qu'aux acteurs (médiateurs, associations, etc.) qui forment à l'écriture collaborative, comme c'est le cas dans un trop petit nombre de villes de France
3.4.5.2. Exemples : FixMystreet, FixMyTransport et TheyWorkForYou Créés par l'association MySociety, FixMyStreet et FixMyTransport permettent aux habitants de faire remonter vers les services concernes des problèmes dans l’espace urbain (chaussée abimée, éclairage défaillant) ou dans les transports (retard, panne), permettant ainsi d’établir un dialogue entre les habitants et les autorités locales. Toujours sous l'impulsion de MySociety, TheyWorkForYou est une expérience menée à l’occasion des élections législatives. Le site a recueilli auprès de milliers d’internautes les prises de positions de chaque candidat sur les problématiques locales de sa circonscription et permet à chaque utilisateur de confronter sa propre opinion à celle des candidats, ainsi que d'engager le débat avec les autres contributeurs du site. ‐ http://www.mysociety.org
3.5. Comment financer cette priorité?
3.5.1. Cette priorité demande moins des budgets dédiés qu'une réorientation des budgets actuels : la co‐conception et la co‐production des politiques publiques est un changement de méthode et pourrait même faire économiser de l'argent aux pouvoirs publics, en évitant le recours trop systématique aux grands cabinets de consultants, la production d'énormes cahiers des charges, etc
4. RÉINVENTER LES MÉDIATIONS À L'ÈRE NUMÉRIQUE
4.1. Quel est l'objectif ?
4.1.1. Faire en sorte que tous les Français aient accès aux services essentiels et à leurs droits par plusieurs canaux, y compris un canal humain de proximité dès lors qu'ils ont besoin d'accompagnement, de conseil, de résoudre un problème, etc.
4.1.2. Faire en sorte qu'existe, sur tout le territoire, un réseau d'espaces partagés de proximité capables, en fonction des besoins locaux, de répondre à des besoins d'accès aux services et aux droits, de formation, de mutualisation de moyens, d'espaces de travail, etc.
4.1.3. Ceci, en s'appuyant sur la floraison d'initiatives publiques, privées et associatives que l'on constate dans ces domaines, tout en leur donnant des perspectives, un cadre de cohérence et des outils
4.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
4.2.1. Le maillage : chaque citoyen dispose à moins d'une heure d'où il se trouve d'un point de contact avec un service essentiel et/ou d'un espace partagé de proximité.
4.2.2. Le contact : chaque citoyen connaît au moins un médiateur de proximité.
4.2.3. L'accès aux droits : la connaissance des droits s'améliore, le taux de non‐recours aux droits diminue.
4.2.4. Le réseau : la densité des espaces de médiation, l'intensité de leurs échanges à la fois localement et à des échelles plus larges, la mobilité des professionnels d'une entité à l'autre, etc.
4.3. Pourquoi est‐ce important ?
4.3.1. Parce que la numérisation des services (publics et privés) peut en rendre l'accès plus difficile, notamment de la part de ceux qui connaissent déjà des difficultés et qui en ont le plus besoin : la médiation d'accès aux services est une exigence républicaine.
4.3.2. Parce que, comme le montre l'exemple de nombreuses entreprises qui cherchent à réintroduire des formes de contact humain de proximité, la médiation peut être économiquement efficace, dès lors qu'elle est à la fois pensée de manière professionnelle et organisée de manière mutualisée27.
4.3.3. Par exemple, des bureaux de tabac ou des maisons de la presse sont également des points Poste, des guichets bancaires, des relais de livraison et bien d'autres choses. "Économiquement efficace" ne veut pas nécessairement dire "rentable" : une action de médiation peut être utile à l'économie sans dégager de revenus
4.3.4. Parce que le développement du numérique sur le territoire suscite spontanément le besoin de nouveaux espaces collectifs pour travailler ensemble, échanger, partager des ressources et des compétences, conduire des projets collectifs… Il n'est pas indifférent que le télétravail donne naissance à des télécentres, que les professionnels du numérique aient été les premiers à expérimenter des lieux de "coworking", qu'ils soient également présents dans les projets de "FabLabs", que les concerts soient plus fréquentés aujourd'hui qu'hier, etc.
4.3.5. Pour que la société numérique ne soit pas celle de la solitude, la médiation de proximité demeure un besoin essentiel et durable. Reste à savoir répondre à ce besoin dans un contexte de contrainte budgétaire durable
4.4. Comment faire ?
4.4.1. Point d'appui N°1 : définir une stratégie moderne de présence des services publics
4.4.1.1. [Responsables : État, grands réseaux de service, collectivités locales] Aujourd'hui, face à la contrainte budgétaire, chaque administration gère séparément la réduction de sa présence physique, en négociant au cas par cas selon le degré de résistance des élus ou des populations. Demain, le gouvernement pourrait exiger des services publics d'État d'assurer une présence de proximité sur tout le territoire, compatible avec la contrainte budgétaire. Comment ? Par la mutualisation des lieux, des moyens techniques (informatiques notamment), voire des personnels d'accueil, à la fois dans des lieux d'accueil physique et (comme cela se pratique déjà) dans des plates‐formes en ligne ou téléphoniques. Il existe plusieurs manières d'aller dans cette direction, dont certaines s'expérimentent déjà : Maisons de services publics, contractualisation avec des réseaux existants (ex. La Poste) ou avec des associations, évolution du rôle de certains espaces publics numériques, etc.
4.4.1.2. Exemple : Le Conseil général du Lot Le Conseil général du Lot, en s’appuyant sur son réseau de 110 EPN, a monté des projets en partenariat avec Pôle Emploi, des établissements pour personnes handicapées et des maisons de retraite. Les médiateurs numériques ont ainsi été identifiés comme personnes ressources pour le territoire et les partenaires. Par ailleurs, en milieu rural, 12 relais de service public dont 8 dotés de points visio publics, ont été installés : ils permettent aux usagers de mener des entretiens à distance et d’être accompagnés dans leurs démarches administratives. 12 services publics sont présents dans ces dispositifs. ‐ http://www.lot.fr/cg_tic.php en propre, par exemple parce que ses usagers ne seraient pas en mesure de payer et que le bénéfice pour les entreprises serait trop indirect (on parle d'"externalités positives"). Ainsi, le fait que des espaces collectifs aident des gens, notamment grâce au numérique, à améliorer leur "employabilité" bénéficie clairement à l'économie, mais ni les bénéficiaires, ni les entreprises ne le paieront de manière directe.
4.4.2. Point d'appui N°2 : prendre appui sur la richesse des initiatives de terrain
4.4.2.1. [Responsables : une coordination multi partenariale et en réseau, co‐pilotée par l'État, les territoires et les acteurs associatifs, articulée à différentes échelles nationale, régionale, locale…] Sous l'impulsion des collectivités locales, des associations, d'agents des fonctions publiques nationale et territoriale, parfois d'entreprises, une multitude d'initiatives explorent déjà le potentiel de médiations et d'espaces de proximité divers, mutualisés, adaptés aux réalités des populations locales. Elles constituent un trésor d'expériences, de références, de compétences, qui peut faire gagner énormément de temps. En revanche, ces initiatives souffrent de fortes disparités d’un territoire à l’autre (dans beaucoup de territoires on assiste à une réduction des moyens d’accompagnement) et demeurent trop souvent enfermées dans leurs "silos" institutionnels, territoriaux, thématiques : la médiathèque ne connaît pas les utilisateurs de l'EPN (espace public numérique) voisin, les médiateurs d'une région n'ont pas de facilité particulière à exercer le même métier dans une autre région ou un autre réseau, les différents réseaux ne partagent ni information, ni ressources… Les deux points d'appui qui suivent visent à remédier à cette situation.
4.4.2.2. Quel avenir pour les Espaces Publics Numériques ? Différents lieux ont, dans le passé, porté une fonc on de forma on et d'accompagnement aux usages du numérique : lieux associa fs, médiathèques, foyers de jeunes travailleurs, centres culturels, etc. Dans ce e diversité́, le réseau des EPN a joué un rôle par culièrement ac f et positif. Mais sa vocation numérique ne se suffit plus à elle‐même. De nombreux EPN ont anticipé cette évolution, accueilli de nouveaux publics, assumé de nouveaux rôles. Mais il manque aujourd'hui une vision stratégique de leurs évolutions possibles et ce manque pèse sur le réseau : manque de reconnaissance, absence de perspective pour des animateurs parfois enfermés dans les "contrats aidés" et contraints de changer de métier quand ces contrats se terminent, "ghettoïsation numérique" alors même que d'autres besoins se font sentir sur le terrain, parfois baisse des financements, etc. Nous considérons qu'aujourd'hui, le réseau des EPN a montré sa capacité à inventer des formes de médiation à l'ère numérique, au‐delà de la formation. Il constitue l'un des actifs sur lesquels une stratégie de développement des médiations doit s'appuyer. Mais il doit faire évoluer ses fonctions.
4.4.2.3. De renommer symboliquement les EPN en " espaces de médiation et d’innovation sociale" (EMIS), ce qui permettrait à la fois d’affirmer la réorientation stratégique de ces lieux et d’ouvrir l’accès au label à d’autres lieux qui ne s’iden fiaient pas jusqu’ici au label EPN tout en portant des fonctions proches.
4.4.2.4. D'identifier deux types de fonction pour ces lieux et ceux qui les animent :
4.4.2.4.1. Une fonction au service des autres médiateurs du territoire, souvent mal équipés et mal formés au numérique, en particulier une fonction d’animation de réseau, capitale dans une logique de passage à l’échelle.
4.4.2.4.2. Une fonction au contact du public, au sein du réseau des espaces de proximité du territoire, qui s'appuie sur leur équipement numérique pour proposer une grande diversité d'activités et de services, éventuellement variables dans la journée, la semaine, l'année : formation (pas seulement au numérique), télétravail, médiation d'accès aux services administratifs, recherche d'emploi, accueil d'associations et de projets, etc.
4.4.3. Point d'appui N°3 : organiser à l'échelle des territoires le réseau des lieux partagés
4.4.3.1. [Responsables : les collectivités territoriales, sans doute sous l'égide des régions] La "proximité" prend un sens différent selon la nature des bassins de vie, ruraux, urbains, périurbains. Elle est différente pour un cadre bien équipé, un étudiant mal logé et sans automobile, une famille nombreuse vivant en cité, un SDF, etc. L'enjeu, pour chaque territoire, est d'organiser cette "nouvelle proximité" à partir d'un maillage d'espaces partagés, multifonctions, flexibles, répondant dans des proportions variables à trois grandes catégories de besoins: l'accès aux services essentiels, l'apprentissage, la création et le développement de projets individuels ou collectifs. Ces lieux ne sont pas tous publics, ils peuvent être privés ou associatifs ; s'ils appartiennent au patrimoine public, il peut s'agir de celui de l'État, d'une entreprise publique, de diverses collectivités territoriales. L'enjeu est alors d'en organiser le maillage, jusqu'à l'échelle des bassins de vie, ainsi que la collaboration au sein de ces bassins, mais aussi entre eux. Ainsi, des médiateurs peuvent être amenés à circuler entre ces espaces pour se rapprocher de leurs publics, l'habitué d'un espace de "coworking" sera invité à se rendre à la Maison de service public pour mener une démarche administrative… Cette stratégie doit aussi s'appuyer sur la construction d'une image : nous proposons ainsi de créer une signalétique commune des espaces partagés, capable à la fois d'en permettre l'identification et d'aider les usagers à comprendre les fonctions que propose chaque espace.
4.4.3.2. Exemples : Le Centre de culture numérique de l’université de Strasbourg et Citilab Le Centre de culture numérique de l'université de Strasbourg est un lieu hybride et ouvert, où se croisent les communautés, les usages et les dynamiques. Formations, conférences, ateliers ou discussions autour d’un café. Cet espace flexible a pour volonté affichée de "construire et rendre visibles les fondements d’une culture numérique partagée". Il comprend un espace de travail partagé, un espace de forma on, un espace de travail collabora f qui permet, sur réserva on, de disposer d’un matériel adapté et innovant pour un travail de groupe en présence ou à distance, un espace de démonstration d’outils ou de services et enfin des amphithéâtres qui accueillent régulièrement des conférences et autres débats. ‐ https://services‐numeriques.unistra.fr/culture-numerique/centre‐de‐culture‐numerique.html Citilab est un centre d'innova on sociale et numérique situé à Barcelone. A la fois centre de formation, laboratoire de recherche et incubateur d'innovations sociales, Citilab s'intéresse aux effets du numérique sur la pensée créative, l'innovation, la culture et la ville. Ce projet a débuté en 1997 autour de l'idée que la technologie numérique et Internet en par culier, est un moyen d'innover davantage axé vers les citoyens. Installé dans un lieu physique à par r de 2007, Citilab se pense comme un centre d'innovation citoyen numérique pour la diffusion et la promo on de la société́ de la connaissance. ‐ http://citilab.eu/
4.4.4. Point d'appui N°4 : reconnaître les métiers de la médiation
4.4.4.1. [Responsables : l'État pour les référentiels métiers et la carrière de ses agents, les entreprises et les territoires pour leurs propres agents, les partenaires sociaux] Tous ces dispositifs sont gérés par ce que l'on peut désigner de manière générale comme des "médiateurs" : conseils, accompagnateurs, intermédiaires, agrégateurs, animateurs. Ils facilitent l'accès, décloisonnent les dispositifs au nom des individus qui en ont besoin, ils mettent en relation (les gens entre eux, les gens et les informations, les gens et les organisations, etc.) Ces médiateurs appartiennent au minimum à quatre catégories : les agents d'accueil et conseillers qui existent aujourd'hui dans plusieurs lieux d'accueil du public gérés par des administrations, des collectivités locales ou des entreprises les médiateurs du domaine social, qui jouent une grande variété de rôles d'aide, de soutien, d'accompagnement auprès de publics en difficulté ; les médiateurs du "lien social", dont le rôle principal est d'aider les gens à accomplir des choses pour eux‐mêmes ou ensemble ; les médiateurs numériques, qui ont depuis des années dépassé leur fonction initiale de formation au numérique pour jouer également un ou plusieurs des rôles décrits ci‐dessus. Ces fonctions sont, et resteront, essentielles, mais ceux qui les assurent ne bénéficient généralement pas d'une grande reconnaissance et encore moins de perspectives professionnelles. Elles tendent à se rapprocher sans toutefois se confondre, mais toutes ont besoin des autres et toutes nécessitent des compétences de plus en plus importantes. Il serait alors possible d'organiser à la fois des formations, des collaborations, des rencontres, des passerelles et par conséquent, des itinéraires professionnels au sein de chacune de ces "filières" et sans doute aussi entre elles
4.4.4.2. Exemple : La ville de Brest Dès 1997, la ville de Brest engage une poli que à la fois volontariste et progressive (en accompagnement des acteurs au fur et à mesure de leur implica on) pour favoriser une équité́ d'accès aux usages d'Internet sur le territoire. Ce e poli que répond à des enjeux de cohésion sociale et de solidarité territoriale. Ainsi, sont ini és les points d'accès publics à Internet (PAPI) dans tous les quar ers en s’appuyant sur les associa ons, les infrastructures existantes, les bibliothèques et les antennes de la mairie. Caractérisé par la proximité́, la gratuité des services et l'accompagnement, un réseau de 105 lieux d'accès publics maille aujourd'hui la ville avec une fréquentation qui ne diminue pas. Les nouvelles demandes reçues (une demi‐douzaine par an) émanent majoritairement de structures sociales accueillant des personnes très fragilisées : le CHRS du Port, les Restos du cœur, des associations d'hébergement ou d'accueil de jour des publics… L'originalité du dispositif repose sur l'intégration des accès dans des lieux ordinaires fréquentés par les publics
4.4.5. Point d'appui N°5 : organiser et animer l’échange d’expériences, la capitalisation entre les acteurs de la médiation
4.4.5.1. [Responsables : l'État en s’appuyant sur un réseau déconcentré d’acteurs] Les acteurs des médiations éprouvent un besoin d’échanger sur leurs expériences, de mutualiser sur leurs réussites et leurs échecs, d’aller voir ce qui se fait dans d’autres territoires, avec d’autres réseaux. Cet échange appelle une animation et une coordination. Mais le rôle de l’État et des acteurs territoriaux n’est pas tant de centraliser ces fonctions de partage que d’aider à organiser un maillage, d’installer les conditions nécessaires au décloisonnement et à la mutualisation. La Délégation aux usages de l'Internet (DUI) a mis en place une plateforme destinée au réseau des EPN. Faute de moyens, elle n’a pas pu porter véritablement le travail d’animation et de mise en place d’une dynamique collaborative. Nous avons besoin aujourd’hui de pouvoir appuyer le réseau des médiations (qui ne se limite pas aux EPN) sur une organisation déconcentrée, disposant d'une réelle capacité d'animation et de mutualisation, avec des relais dans les territoires qui puissent organiser ce maillage entre les bassins de vie.
4.4.5.2. Exemple : Avec le projet MIREIA, la Commission européenne élabore une cartographie des acteurs européens de l’e‐inclusion « MIERIA » pour « Measuring the Impact of e‐inclusion actors on Digital Literacy, Skills and inclusion goals of the Digital Agenda for Europe » cherche à produire les outils permettant d’identifier les initiatives menées en matière de e‐inclusion et de valoriser leurs résultats. Une première partie de l’étude a consisté à recenser l’ensemble des télécentres, bibliothèques et autres acteurs de l’e-inclusion en Europe, et s’est achevée février 2013. Le rapport préliminaire a été présenté lors du 5ème congrès européen de l’e‐inclusion « Les intermédiaires numériques pour l’Europe », octobre 2013, et la présentation du rapport final du rapport aura lieu en décembre 2013. ‐ http://is.jrc.ec.europa.eu/pages/EAP/e‐inclusion/MIREIA.html
4.5. Comment Financer cette priorité?
4.5.1. Une bonne partie de cette action peut se financer en repensant à l'échelle de l'État la reconfiguration des "réseaux de distribution" des administrations : les espaces de proximité partagés sont cofinancés par les administrations qui les utilisent comme "points de contact", grâce aux économies qu'autorise la mutualisation de ces derniers. Plusieurs entreprises pourraient également se montrer intéressées par la proposition de mutualiser des points de contact de proximité, des espaces de travail, des relais logistiques, etc Les lieux de travail, de projets, peuvent également pour partie s'autofinancer grâce à l'apport de leurs usagers, ou à la valeur de ce qu'ils produisent. Cette valeur se mesure parfois en euros, mais il apparaît indispensable de savoir aussi l'évaluer autrement : à l'échelle mondiale, nationale et régionale, de nombreux acteurs explorent aujourd'hui des "nouveaux indicateurs de richesse" (Indices de développement humain, indices de santé sociale, etc.). Ceux‐ci mériteraient de trouver leur place dans l'évaluation d'une telle politique. Ce n'est pas une manière de contourner la contrainte budgétaire. Sur la base de ces mesures, les services en charge des budgets d'aménagement du territoire ou d'action sociale, par exemple, pourraient constater qu'investir dans des médiations et des lieux partagés de proximité constitue une dépense "active" pertinente, susceptible d'économiser plus tard d'autres dépenses plus lourdes de remédiation. Par exemple, dans le périurbain, un espace de médiation local mariant les fonctions actuelles d'un EPN et des fonctions de médiation d'accès aux services administratifs, peut à la fois renforcer le lien social, éviter de multiples déplacements, accueillir des publics en difficulté et permettre aux travailleurs sociaux de les rencontrer, etc. De même, des entreprises pourraient participer au financement de lieux ou réseaux de lieux, sur la base de considérations qui associeraient la "responsabilité sociale et environnementale" (RSE), la bonne gestion des ressources humaines (faire émerger des espaces de "télétravail", engager les collaborateurs dans des actions de proximité, etc.) et la relation au marché (points de présence, même occasionnels)
5. L’EMPLOI NUMÉRIQUE : OUVRIR LA PORTE AUX 900 000 JEUNES A LA DÉRIVE
5.1. Quel est l'objectif ?
5.1.1. « Aujourd’hui près de 1,9 millions de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en éducation, ni en formation. (…) Plus grave encore, environ la moitié de ces jeunes, soit 900 000 ne cherchent pas d’emploi, ils sont à la dérive ». Ainsi s’ouvre une note du Conseil d’analyse économique sur l’emploi des jeunes peu qualifié28.
5.1.2. Dans le même temps, de nombreux emplois du secteur informatique, ou impliquant des compétences numériques, leur seraient accessibles, dans les services et dans l’industrie. Cette réalité est méconnue par les acteurs du conseil à l’orientation et l’emploi (missions locales, conseillers de pôle emploi, conseillers professionnels et scolaires) qui ont tendance à associer l’informatique exclusivement à de hauts niveaux de qualification.
5.1.3. L’ambition est que 100 000 emplois en trois ans soient occupés par des jeunes aujourd’hui à la dérive.
5.1.4. Dans la plupart des cas, pour réussir à ramener des jeunes vers l’emploi et les aider à y parvenir, il faudra des formations, des formations imaginatives, conçues en étroite relation entre les associations riches d’expériences réussies, l’aide à l’insertion, l’aide à l’emploi. La forte sensibilité à l’insertion des jeunes de
5.1.5. nombreuses entreprises est un immense atout : l’urgence est grande. Des formations impliquant les entreprises et tout le système d’apprentissage sont nécessaires.
5.1.6. En commun, les recruteurs, les formateurs, et les conseillers doivent identifier les métiers et les profils recherchés, dans toute leur variété, et de mettre au point des stratégies adaptées : pour sensibiliser tous les conseillers et tuteurs, pour transformer l’image que les jeunes ont des études et du travail, pour encourager toutes les entreprises (industries numériques de service et industrielles,
5.1.7. « à réseaux ») à des recrutements sans la barrière du diplôme et sur la foi des savoir‐faire utiles, tout en accompagnant la découverte de l’emploi.
5.1.8. Pour que les métiers demandant des compétences numériques deviennent attractifs pour les jeunes, et que ces derniers s’engagent avec succès dans d’exigeants parcours de formation, il faut admettre que le chemin qui va d’une formation abandonnée à un emploi réussi est sinueux. Un dispositif d’accès à l’emploi numérique ciblant principalement les jeunes, et plus généralement les populations désavantagées face au numérique (filles, seniors, diversité), doit avoir de grandes ambitions
5.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
5.2.1. L’insertion professionnelle de 100 000 jeunes en trois ans par des emplois dans les entreprises numériques
5.2.2. L’utilisation réelle, par toutes les Universités, écoles et lycées professionnels, des voies d’accès existantes (VAE et VAP), sans condition de diplômes, selon les compétences, les réalisations et la motivation.
5.2.3. La création massive de formations en alternance aux métiers demandant de l’informatique, avec l’aide des CFA et des organismes professionnels du secteur numérique (CIGREF, Syntec numérique, UIMM) et de recherche (INRIA)
5.2.4. L’ouverture d’écoles numériques de la deuxième chance dans tous les départements, en coordination avec des entreprises (Groupes, ETI, PME) du secteur numérique
5.2.5. La présence des jeunes dans le dispositif des entreprises du numérique, au sens large : entreprises des secteurs banque assurance « à réseaux », groupes de télécommunications, groupes du bâtiment, de l’énergie, de la métallurgie, ayant de vastes compétences dans le numérique, startups, et l’implication dans les actions d’e‐inclusion des incubateurs et accélérateurs dédiés au numérique
5.3. Pourquoi est‐ce important ?
5.3.1. Remettre en selle ces 900 000 jeunes dits « à la dérive », est une condition de notre avenir commun.
5.3.2. Parallèlement, 450 000 emplois sont non pourvus en France dont 70 000 dans le secteur des industries métallurgiques, qui peine à attirer les jeunes. Parce que ces emplois ne sont pas jugés attractifs. Parce que les compétences sont rares dès que les savoir‐faire combinent mécanique, robotique, informatique.
5.3.3. Il est capital de trouver les moyens de l’adéquation. En France en 15 ans le numérique est à l’origine de 700 000 emplois. D’ici 2015, 400 000 nouveaux emplois sont possibles. Qui les occupera ?
5.3.4. Le constat est que les modes de formation, de sélection, d’entrée dans l’emploi ne sont pas compris et pas acceptés par de nombreux jeunes, qui ne peuvent cependant rester à l’écart. Il faut renouer le dialogue entre les entreprises et les jeunes, inventer de nouveaux environnements d’éducation numérique.
5.3.5. L’objectif de l’e‐inclusion rencontre l’objectif de la compétitivité. Parmi ces jeunes, nombreux sont ceux qui ont une pratique et des savoir‐faire (de jeu, de community management, développement, de création, d’expérimentation de logiciels)
5.3.6. De nombreux sujets sont porteurs d’emplois : le développement des industries créatives (réalité augmentée, 3D), les industries du Big data, les besoins en développement open source, dans la cyber sécurité, et tout simplement des emplois immédiatement disponibles dans le domaine de la gestion documentaire, de la maintenance, du développement. Comme le montre l’engouement suscité auprès des jeunes par l’école 42 de Xavier Niel (50000 candidatures), il y a de fortes attentes pour un nouveau design des formations et de l’accès à l’emploi.
5.4. Comment faire ?
5.4.1. Action N°1 : Changer le regard sur les emplois numériques et les profils « jeunes »
5.4.1.1. [Responsables : Pôle emploi, CAP Emploi, Missions locales…] Pôle Emploi doit être au cœur de l’action, dans l’identification des publics cibles, dans la veille sur les nouveaux métiers, avec les missions locales et Cap Emploi. Il faut donner aux acteurs de l’emploi et de l’insertion une meilleure compréhension des métiers du numérique et des compétences nécessaires à ces métiers. Elles ont besoin pour cela de travailler en réseau avec des entreprises : cela passe par une meilleure connaissance des profils et aussi un meilleur signalement des offres. Le ROME des compétences numériques doit être revu avec les professionnels de la filière, pour permettre aux conseillers d’être à jour sur les compétences techniques, relationnelles et culturelles nécessaires à l’exercice de ces métiers. Il faut que l’information sur les opportunités et les besoins se fasse sans relâche, en temps réel. Un kit interactif destiné aux professionnels de l’emploi (Pôle Emploi, intérim, insertion) et actualisé par les professionnels du numérique aiderait ce travail en réseau et mettrait constamment en lumière les métiers du numérique spécialement attractifs pour les jeunes. Vu l’urgence et l’importance des enjeux, Pôle emploi doit examiner la pertinence d’une filière d’agents dédiés à cette priorité et spécialisés dans les bassins d’emploi urbains. Des moyens et outils spécifiques doivent être mobilisés pour être au plus près du numérique et s’assurer que le numérique se développe en associant les publics en difficulté. Un préalable est de faciliter le travail même des missions d’insertion en améliorant le design des services numériques nécessaires à ce travail en réseau
5.4.2. Action N°2 : Changer les recrutements
5.4.2.1. [Responsables : Fédérations professionnelles, métiers des ressources humaines et de la formation professionnelle, sites web de recherche d’emploi…] Il faut convaincre les recruteurs d’oser sortir du cadre institutionnel des diplômes et formations pour accepter d’employer des personnes dont le parcours fait qu’elles ont des compétences personnelles qui se révèlent utiles aux entreprises. Des entreprises à réseaux (banques, assurances…) expriment aujourd’hui leur préoccupation pour l’e‐inclusion. Des réflexions existent pour que le digital serve l’insertion et la création d’emploi. Il faut donner un cadre à cette intention. Ces réseaux peuvent se mobiliser de différentes façons : rencontres, création d’équipes d’appui, réseaux d’entraide. Pour aller plus loin que l’intention politique, cette démarche n’aura d’impact que si les entreprises s’engagent sur des volumes. Il faut impliquer des partenariats État, Régions, collectivités locales, Syntec numérique et Écoles de la deuxième chance. Un réseau de CFA pourrait s’ouvrir à des métiers numériques pour lesquels il y a peu de formations. Des certifications capitalisables (et pas nécessairement exclusivement des diplômes) et des tuteurs en entreprise sécuriseraient ces embauches. Un tel projet pourrait être fédérateur, rapidement opérationnel et duplicable. De son côté, l’éducation pourrait participer en formant et en recrutant des assistants numériques en support des enseignants et des jeunes élèves au niveau du collège dans le cadre des ateliers prévus par la réforme de Vincent Peillon.
5.4.3. Action N° 3 : Préparer l’emploi par des immersions et des incubations de projets
5.4.3.1. [Responsables : CFA, clusters, incubateurs, AFPA, GRETA, OPCA…] Les populations éloignées du numérique sont aussi celles qui ont le plus besoin d’innovation sociale. Quand le numérique est investi dans la recherche d’activité et de projets professionnels pour résoudre des problèmes (social, santé, environnement, droits de l’homme), cela se révèle vecteur d’innovation. D’où l’intérêt de coupler l’insertion avec l’incubation de projets et l’immersion dans des entreprises d’accueil. Les formations sont en effet face à un défi : répondre aux besoins du marché du travail d’une part, s’adapter à une palette de profils, d’aptitudes, de niveaux, de projets professionnels ; individualiser tout en formant au travail collectif ; former tout en préparant l’emploi. De nouveaux styles de formation sont à inventer. Or créer des formations en alternance est lent et complexe : il faut simplifier la création de formations, multiplier les modalités (certification, modules), augmenter parallèlement les accès à des formations longues en alternance appuyées sur des partenariats effectifs. Au lieu d’accueillir systématiquement 1 à 2 stagiaires, les entreprises pourraient incuber un groupe projet ou parrainer une équipe installer dans un coworking space ou une pépinière. Les grandes villes ont créé ces dernières années de nombreux incubateurs dédiés à accueillir l’innovation de jeunes porteurs de projet, souvent diplômés de grandes écoles. Il ne fait aucun doute que le chemin qui va d’une idée à un produit industriel est semé d’obstacles. Puisque les incubateurs, accélérateurs et pépinières ont fait aboutir de nombreux projets high tech, pourquoi ne pas les décliner pour des projets d’insertion et d’économie numérique sociale ? Les dispositifs de facilitation inventés pour stimuler l’innovation logicielle et la création de startups concernent aussi l’insertion. L’alternance, principe de l’apprentissage, peut être déclinée en des formes souples qui donnent une plus grande place à l’accompagnement et aux projets collectifs portés par des jeunes.
5.4.3.2. Des incubateurs d’e‐inclusion offrent de nouveaux environnements pour l’inclusion numérique :
5.4.3.2.1. rénover l’apprentissage, en faisant converger dans de mêmes lieux technologies, emplois, insertion, création d’entreprise ;
5.4.3.2.2. parier sur le potentiel de création des populations désavantagées, et actuellement sous-représentées dans le numérique (seniors, diversité, filles, handicaps) ;
5.4.3.2.3. améliorer les alternances, renforcer les fils rouges du tutorat et des projets de création d‘activité ;
5.4.3.2.4. concevoir des « formations » adaptées pour les populations autodidactes via le « e‐learning » ou les serious games.
5.4.3.3. Exemples
5.4.3.3.1. Paris MIX : des emplois partagés qui relancent la coopération entre entreprises culturelles Paris MIX a 40 adhérents du secteur numérique. Ce cluster des « musiques du monde » se greffe sur le développement de l’économie locale, accueillant des grappes d’innovation. Avec R2K, Radio Nova, le Cabaret Sauvage, des artistes, Paris Mix offre des chantiers entreprises : en 6 mois, des jeunes en immersion se forment aux métiers du numérique, du multimédia et du Web. L’insertion par le numérique est pensée en relations avec le logement, l’emploi, la prévention. En cherchant des emplois pour des jeunes, Paris Mix a créé des emplois partagés entre petites structures, assure une veille pour la prospective de la filière, met en œuvre de projets mixant jeunes, artistes et techniciens expérimentés. Une salle polyvalente, de production et de spectacles, la MIXBOX est le foyer de ces rencontres. La coopération permet aux personnalités fortes de s’exprimer, tout en réduisant les communautarismes, en créant un dialogue centre périphérie et nord sud. http://www.parismix.fr/le‐cluster/
5.4.3.3.2. Exemple Éducation technique et incubation : la culture de la startup au service des jeunes désavantagés, pour une société qui se transforme Simplon.co se présente comme une « fabrique d’artisans numériques ». De nouvelles générations de formations accélérées aux États‐Unis et en Europe ont montré que l’on pouvait faire émerger des personnes compétentes et créer des entreprises viables en peu de temps. L’originalité de Simplon.co est de traiter ensemble la formation et la création d’entreprise : un nouvel environnement d’éducation technique et d’incubation d’entreprises numériques se dessine. Simplon confie le design de leur futur aux enfants des ZEP et ZUS et aux « sous‐représentés du numérique ». A Montreuil, dans un open space, une bibliothèque, des espaces de travail privés et en groupes, une cuisine, le tout en très haut débit, des apprentis développeurs et porteurs de projets se forment au code et au « lean startup », une méthode de développement rapide de produits viables. www.anis.asso.fr/Simplon‐co‐Fabrique‐d‐artisans‐html
5.4.3.3.3. Exemple Girls Who Code : genre et e‐inclusion Aux États‐Unis, Girls Who Code s’est créé pour répondre à une inégalité de genre dans la formation informatique et donc dans l’accès aux emplois. Au collège, 74% des filles expriment leur intérêt pour les sciences et les techniques. Au final 0,3% des lycéennes apprennent l’informatique. Tablant sur 1,4 million de nouveaux emplois dans le secteur informatique en 2015, Girls Who Code vise 700 000 emplois pour les femmes. Girls Who Code s’appuie sur un réseau de femmes ingénieures et entrepreneuses pour des summer schools de 300 heures, apportant des formations intensives à des techniques ciblées : robotique, applications mobiles. Ces intensifs sont complétés par des entraînements à la prise de parole publique, des expositions de projet. Le mentorat fournit un soutien au long cours vers les emplois informatiques. Twitter, Google, Ebay, Appnexus, Microsoft, Silicon Valley Bank, SAP soutiennent Girls who code. Source www.girlswhocode.com
5.4.3.3.4. Exemple : Tremplin numérique : des formations en immersion, pour donner vite une cible métier Les jeunes se forment au métier d’opérateur numérique multimédia. Ils apprennent des logiciels, et non des « matières ». Ils comprennent toute la chaîne de production. Ils se forment techniquement, culturellement et esthétiquement. Projets flous, jeune famille à assumer trop tôt, inertie, carrière sportive brisée par un grave accident… Ce que ces jeunes expérimentent, c’est que les techniques numériques permettent de reprendre jusqu’à la perfection un projet, sans jamais être en échec. Croisant besoins du marché de l’emploi, apprentissage par projet et tutorat, Tremplin numérique est un projet qui fait coopérer des collectivités locales, des associations, des entreprises. http://www.tremplin‐numerique.org/
5.5. Comment financer cette priorité ?
5.5.1. mobiliser les fonds de la formation continue
5.5.2. créer des structures de gouvernance de projet et de financement rassemblant des communautés d’agglomération, les régions, des organismes professionnels (SYNTEC Numérique, FAFIEC, des entreprises privées) ;
5.5.3. impliquer les plates‐formes de crowdfunding ;
5.5.4. inviter les fondations d’entreprises à soutenir de nouveaux environnements d’éducation numérique et d’incubation dans l’économie sociale et solidaire ;
5.5.5. réformer l’apprentissage et le développer en étendant ses modèles, simplifier le montage et le financement de formations.
6. DISPOSER D'INDICATEURS ADAPTES A L'ÉTAT ACTUEL DES SOCIÉTÉS NUMÉRIQUES ET AUX NOUVEAUX OBJECTIFS D'E‐INCLUSION
6.1. Quel est l'objectif ?
6.1.1. Disposer d'indicateurs d'e‐inclusion qui soient : Appropriés au regard des nouveaux objectifs proposés pour une politique d'e‐inclusion : accès "étendu" (au réseau et aux services essentiels), littératie, pouvoir d'agir et médiation ; Mesurables d'une manière aisée et cohérente à l'échelle nationale, régionale (au minimum) et de préférence, à celle des "bassins de vie" ; Exploitables par tous ceux qui en ont besoin, depuis les décideurs publics nationaux en charge de la définition de politiques publiques jusqu'aux acteurs de terrain qui ont besoin de piloter leur action, en passant par les maires, les chercheurs, les entreprises, les médias, etc. Comparables dans le temps (donc récurrents et stables dans leur construction) et l'espace, y compris, dans toute la mesure du possible, à l'échelle européenne et internationale.
6.1.2. Accomplir un saut qualitatif dans la connaissance des usages du numérique, de leurs dynamiques d'appropriation et enfin, des liens entre, d'une part, l'offre et les pratiques numériques et, d'autre part, les mécanismes d'inclusion et d'exclusion socio‐économiques.
6.1.3. Relier le travail sur les indicateurs "numériques" avec celui qui concerne les nouveaux indicateurs de richesse ou de développement humain.
6.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
6.2.1. L'usage de ces indicateurs pour :
6.2.2. Fonder la définition d'objectifs de politique publique, puis l'évaluation de ces politiques ;
6.2.3. Contribuer à l'évaluation ( ex ante ou ex post) de projets sous l'angle de l'e‐inclusion.
6.2.4. La réutilisation de ces indicateurs dans d'autres enquêtes, en particulier des enquêtes observant l'inclusion socio‐économique sous d'autres angles, ou encore des enquêtes internationales.
6.2.5. La contribution de la recherche française à la compréhension des enjeux et des défis de l'e-inclusion à l'échelle européenne
6.3. Pourquoi est‐ce important ?
6.3.1. Pourquoi est‐ce important ?
6.3.2. On ne peut pas porter une politique publique d’e‐inclusion dotée d’une vision stratégique si l’on ne dispose pas d'une solide capacité d'observation de la manière dont le numérique pénètre les activités humaines, dont les citoyens s’en emparent et dont cette appropriation influe sur conditions de l'inclusion ou de l'exclusion sociales
6.3.3. L'observation remplit trois fonctions qu'il est important de ne pas confondre :
6.3.3.1. 1. Comprendre ce qu'on est en train de faire, de vivre, de voir émerger.
6.3.3.2. 2. Fonder une stratégie, comprendre ce qu'il faut faire, identifier des priorités en amont.
6.3.3.3. 3. Faire le bilan, évaluer, réorienter si besoin.
6.3.4. Or aujourd'hui, l'action publique ne dispose pratiquement nulle part des outils pour remplir ces fonctions :
6.3.4.1. Les indicateurs sur lesquels elle fonde ses politiques d'e‐inclusion mesurent en général l'accès à l'Internet et l'usage de quelques services. Ils ne rendent pas compte des différences en termes d'appropriation, de compétences, de capacité à agir dans la société d'aujourd'hui.
6.3.4.2. Aucune stratégie n'organise la moindre cohérence entre les observatoires régionaux, là où ils existent et les enquêtes nationales, elles‐mêmes peu coordonnées.
6.3.4.3. Les observatoires dédiés au numérique ne se croisent que très rarement avec d'autres observatoires locaux, régionaux ou nationaux en matière économique sociale, urbaine, environnementale, de mobilité…
6.3.4.4. Ce n'est pas faute de connaissances, ni de compétences. Plusieurs régions soutiennent depuis longtemps des travaux de recherche et/ou de mesure très productifs : M@rsouin en Bretagne, Raudin et AEC en Aquitaine, l'Obtic en région PACA et d'autres encore, réunis par exemple dans le réseau SOURIR29. Mais cet effort n'est ni soutenu ni consolidé à l'échelle nationale.
6.4. Comment faire ?
6.4.1. Nous proposons quatre actions à plus ou moins long terme :
6.4.1.1. À court terme, capitaliser sur les efforts existants pour définir rapidement une série de 5 à 10 indicateurs "open source", relativement faciles à mettre en œuvre dans le cadre d'enquêtes, et inviter toutes sortes d'acteurs à les mesurer "en réseau", chacun à son échelle (nationale, régionale, locale, voire plus fine). Ce travail, qui pourrait être coordonné par l'Observatoire du numérique, l'Insee ou une structure équivalente30, doit s'attacher à reconnaître les travaux existants et ceux qui les ont conduits, et se concevoir comme un effort continu, renouvelant et étendant sans cesse le partage d'expériences. Afin d'être pleinement appropriables par les acteurs, tant la définition des indicateurs que leurs valeurs doivent être disponibles sous la forme de données ouvertes.
6.4.1.2. Que devraient mesurer les nouveaux indicateurs d'e‐inclusion ?
6.4.1.2.1. Par rapport aux indicateurs actuels, focalisés sur la mesure de l'équipement et de l'usage "brut" (fréquence, usage de certains services)31, les indicateurs à développer devraient :
6.4.1.2.2. S'appuyer sur ces indicateurs pour :
6.4.1.2.3. Favoriser le développement de "labels" valorisant des initiatives collectives en matière numérique, ou l'évolution des labels existants (« Ville Internet », « NetPublic »), de manière à stimuler l'innovation décentralisée en la matière. Exemples : Les labels « NetPublic » et « Villes Internet » Le Label « NetPublic » a été élaboré par la Délégation aux usages de l'Internet (DUI), en partenariat avec les collectivités territoriales. Un portail généraliste (www.netpublic.fr) est associé à ce label. Le Label « Villes Internet » (http://www.villes‐Internet.net) est attribué aux collectivités locales qui mettent en œuvre une politique significative de démocratisation des TIC et de leurs usages citoyens. Ces deux labels sont attribués sur la base de critères prédéfinis.
6.5. Comment financer cette priorité?
6.5.1. Le coût d'un effort de mesure et de recherche est négligeable par rapport aux investissements réalisés en faveur du développement des usages numériques. Sa mise en œuvre constitue en revanche une condition pour que cet effort ne se réalise plus en "aveugle", sans connaissance de ses effets réels sur l'inclusion sociale et économique.
7. AIDER LES DÉCIDEURS A EMBRASSER LES ENJEUX SOCIAUX ET POLITIQUES DU NUMÉRIQUE
7.1. Quel est l'objectif ?
7.1.1. Amener les personnes en position de responsabilité, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé, à prendre à bras‐le‐corps les questions d’inclusion numérique dans toute leur complexité. Ceci implique une compréhension des mutations à l’œuvre dans nos sociétés numériques. Changer la vision et construire la littératie numérique des décideurs est un préalable indispensable pour qu’ils puissent enclencher les plans d'actions de transformation difficiles et profonds de leur entreprise ou de leur administration à l’ère du numérique.
7.1.2. Donner aux personnes en responsabilité publique, que ce soit au titre d’un mandat ou d’une activité professionnelle, les moyens de comprendre à la fois les aspects techniques des problèmes numériques rencontrés et leurs dimensions politiques, avec les controverses qui y sont attachées. Le numérique doit être sorti de sa technicité apparente pour être re-politisé.
7.1.3. Permettre aux élus de saisir les opportunités de transformation sociale et économique liées à des politiques d’inclusion fondées sur le numérique, au‐delà des politiques d’équipement et de déploiement du réseau.
7.1.4. Aider les acteurs de l’entreprise (dirigeants, syndicalistes…), petite ou grande, à comprendre l'ensemble des mutations liées à révolution numérique, afin de penser et accompagner plutôt que subir le rôle du numérique dans la transformation de leur métier, de leur secteur d’activité, de l’organisation de l’entreprise, des rapports sociaux au sein de l’entreprise, de la relation client, etc.
7.1.5. Cette recommandation dépasse du strict cadre de l’e‐inclusion pour concerner plus globalement à la « culture numérique » des décideurs publics et privés. Cette culture est une condition sine qua non d'une compréhension des questions plus spécifiques d’inclusion numérique. Or les acteurs de terrain, travaillant dans le champ de l’inclusion numérique, sont très nombreux à souligner son absence chez ces décideurs.
7.2. À quoi reconnaît‐on que l’on progresse ?
7.2.1. Des modules de formation aux enjeux socio‐politiques de la technique et de la science dans toutes les formations destinées à de futurs dirigeants.
7.2.2. Des campagnes électorales qui mettront la littératie numérique au cœur de leurs programmes.
7.3. Pourquoi est‐ce important ?
7.3.1. D’un point de vue général, nombre d’élus et de décideurs considèrent le numérique essentiellement comme une question technique et un secteur d’opportunités économiques. Mais on note un manque de compréhension globale de la mutation informationnelle et des transformations sociales, culturelles, qui l’accompagnent. Ceci se traduit par
7.3.1.1. Une perception du numérique comme un enjeu trop technique, laissé à ce titre au conseil d’experts. Or on a vu dans le passé les élus devenir compétents sur bien d’autres sujets de haute technicité (urbanisme, santé publique, droit, finance, fiscalité, etc.).
7.3.1.2. Une très faible présence dans les institutions, notamment au Parlement, d’élus capables de porter ces enjeux, ce qui entraîne une absence de créativité politique (peu de propositions de lois au cours des 10 dernières années sur ces thèmes, en dehors de lois plutôt défensives) et une forte perméabilité aux plaidoyers d’acteurs qui défendent le fonctionnement du monde "pré numérique" plutôt qu’un accompagnement volontariste de la mutation.
7.3.1.3. Une focalisation sur la communication numérique en ligne, perçue comme une chance «médiatique» par ceux qui doivent se soumettre aux urnes, au détriment d’autres aspects du numérique.
7.3.1.4. Une difficulté à se saisir du numérique pour réorganiser des structures administratives en silos, pour les rendre plus « agiles », plus efficaces
7.3.2. Du point de vue de l’inclusion, le manque de culture numérique des décideurs se traduit souvent par :
7.3.2.1. Une vision réductrice des enjeux d’inclusion numérique, les conduisant à considérer essentiellement des questions d’infrastructure réseau, de débit, d’équipement et d’inégalité territoriale.
7.3.2.2. Une faible écoute sur ces sujets qui ne font pas l'objet de revendications sociales, les exclus du numérique étant trop souvent « silencieux ».
7.3.2.3. Une vision simpliste des exclusions dues au numérique basée sur des clichés sociaux réducteurs.
7.3.2.4. Une cécité aux opportunités politiques attachées au numérique susceptibles de contribuer le plus en amont possible, à une société plus inclusive
7.3.2.5. Une difficulté à percevoir le potentiel transformateur des innovations ascendantes, portées par des collectifs formels (associations, coopératives…) ou informels.
7.3.2.6. Une incapacité à inclure le "levier" numérique dès la conception des politiques publiques, nationales ou territoriales, en particulier sociales.
7.3.3. Pour ce qui est des acteurs du monde de l’entreprise en position de décision
7.3.3.1. De leur côté, un grand nombre d’acteurs du monde de l’entreprise (en dehors des acteurs de l’économie informationnelle proprement dite), soit subissent l’arrivée du numérique dans leur secteur d’activité, soit n’y voient souvent qu’une opportunité de réduire des coûts en transformant uniquement les processus de production. Une des raisons principales de cet état de fait, est l'absence de compréhension par les décideurs des aspects techniques (un sens quasi "informatique") de l'entreprise, bien souvent laisses aux spécialistes, et vus comme un coût. Le numérique est donc parfois assimilé à ces mêmes problématiques techniques, alors même qu'il englobe un champ beaucoup plus vaste de transformation.
7.3.3.2. Le numérique peut dès lors être perçu au mieux comme accessoire, au pire comme menace, et dans les deux cas conduire les entreprises à rater le virage pourtant essentiel de la transformation numérique.
7.3.3.3. Les opportunités sont alors souvent vécues sur un mode défensif car elles perturbent les méthodes traditionnelles de management. Comme dans le secteur public, le décloisonnement des entités, le travail en mode plus coopératif que hiérarchique, le nouveau rôle du manager (qui ne détient plus le pouvoir par l'information), le télétravail… sont craints au lieu d’être apprivoisés.
7.4. Comment faire ?
7.4.1. Action‐clé N°1 : Donner une formation spécifique aux enjeux politiques, économiques, sociaux liés au numérique aux cadres administratifs et aux élus
7.4.1.1. [Responsables : État, universités, ISFCT, CNFPT, ESEN, ENA, GRETA, etc. ] Les cadres administratifs doivent recevoir pendant leurs études une formation à la culture numérique, qui comprenne notamment : Une compréhension des transformations sociales à l’œuvre autour du numérique : changement des sociabilités, du rapport au temps, à l’espace, au corps, etc. ; pratiques collaboratives et distribuées, etc. Une présentation du fonctionnement de l’économie numérique : rôle des grands acteurs de l’Internet et du web, économie de l’attention, marché de la donnée, cloud, Big data, production en P2P, fiscalité du numérique, etc. Une présentation des tendances émergentes en matière technologiques susceptibles d’avoir des effets sociétaux (ex : Internet des objets, nanotechnologies communicantes, biologie de synthèse, etc.). Un décryptage des principaux enjeux de société liés au numérique et des controverses qui leur sont attachées : gouvernance de l’Internet, neutralité du net, vie privée, propriété immatérielle, etc.
7.4.1.2. Une présentation des politiques publiques : d’accompagnement des acteurs de l’inclusion et de l’innovation sociale (visite de lieux, auditions d’expériences hors de France, etc.) ; d’inclusion et de littératie comme outil de développement local, de mobilisation du numérique pour des logiques de développement durable
7.4.2. Action N° 2 : mettre en place des référentiels en contenu ouvert comme support de ces formations
7.4.2.1. [Responsables : État, universités, ISFCT, CNFPT, ESEN, IEP, ENA, GRETA etc. ] La réalisation de ce référentiel et de ces contenus ouverts ferait l'objet d'appels d'offres permettant d'offrir un panel de modules réutilisables localement et en proximité par les associations et structures de formation. Une part sera faite dans ces contenus à des formations hybrides (en présentiel et à distance), mettant élus et décideurs en situation d'utiliser les outils collaboratifs de formation ouverte. Ce même référentiel et ces contenus pourraient être réutilisés et adaptés par tous les organismes qui proposent des formations aux élus, en lien avec le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), les associations d’élus, la Caisse des Dépôts etc. Les organismes de formation des élus sont pour la plupart rattachés à des partis politiques. Pour l’heure, ils traitent des questions liées au numérique essentiellement sous deux angles : les infrastructures et la communication politique en ligne. Pour dépasser cette approche réductrice, une diffusion de contenus ouverts encouragerait ces organismes à s’en emparer, quitte à les adapter en fonction de la sensibilité propre à leur famille politique. Ce serait une manière indirecte de nourrir les débats sur ces thèmes, d’enrichir les débats et de leur donner une visibilité politique qui leur fait actuellement cruellement défaut. Si l’on veut que ces formations se diffusent largement, notamment par le biais des différents organismes de formation des élus, il faut que ces contenus soient disponibles sous une licence autorisant largement leur réutilisation.
7.4.3. Action N°3 : Renforcer dans la formation des futurs cadres d’entreprises les réflexions sur la relation science, technologie et société
7.4.3.1. [Responsables : État, universités, écoles d’ingénieurs, écoles de commerce, IEP etc.] Les écoles d’ingénieurs forment des experts dans des domaines techniques variés. Peu d’entre elles intègrent un module permettant aux futurs diplômés de prendre du recul sur la relation entre science, technique et société. Or les technologies qu’ils produiront demain, notamment les technologies numériques, participent de la manière dont la société construit son « vivre ensemble ». Par exemple, le fait de développer des technologies qui contribuent à des logiques de surveillance (capteurs, drones, caméras, etc.) n’est pas neutre. Loin des positions normatives qui sont parfois promues par les industries qui vivent de ces innovations, les formations doivent inclure : Un module de décryptage des controverses liées à ces découvertes et ces innovations. Une réflexion sur le design des technologies qui participent d’une société plus inclusive. Les écoles de commerce ont également un rôle à jouer pour préparer les managers à l’accompagnement au changement lié à l’introduction de technologies nouvelles, en particulier numériques, dans une entreprise. Au‐delà de la mise en place des formations métiers ad hoc, il s’agit de les préparer à : Décrypter en amont les changements que cela induit dans l’organisation de l’entreprise Comprendre les impacts du numérique, dans la relation multicanale aux Clients, et ce que cela induit en matière de "nouvelle relation client" Tirer le meilleur parti de ces changements, par exemple, en qualité des coopérations, en simplification du travail et des décisions, en décloisonnement des services, en qualité de vie des salariés, etc.
7.4.3.2. Exemple : cours de cartographie des controverses scientifiques Au milieu des années 1990 Bruno Latour a initié à l’École des Mines de Paris, un cours de cartographie des controverses scientifiques, avec pour ambition générale de montrer aux futurs ingénieurs qu’ils peuvent penser conjointement la science et la politique. Depuis la méthode a été reprise par différentes universités et grandes écoles européennes, dont l’IEP de Paris, les Mines ParisTech, Télécom Paris Tech, mais aussi le MIT aux États‐Unis. En groupe de 5 ou 6, les étudiants doivent explorer à fond une controverse scientifique ou technique pour, au final, s’il n’y a pas eu de pugilat au sein du groupe, la cartographier le plus clairement et efficacement possible en un site web, présenté lors d’une soutenance à la fin de l’année. L’exercice de « cartographie des controverses » s’assimile à bien des égards à une expérience de recherche au cours de laquelle les étudiants prennent le temps de réfléchir en profondeur à un sujet qu’ils choisissent et qu’ils problématisent eux‐mêmes. Ils doivent ensuite chercher à comprendre les positions de chaque acteur en examinant soigneusement ce qui les fonde, en recourant pour cela à différentes méthodes, aussi bien qualitatives que quantitatives. Sources : http://www.sciencespo.fr/edc/en/blog/controverses‐episode‐i http://controverses.sciences‐po.fr/archiveindex/
7.4.4. Action N°4 : travailler avec les structures de mise en réseau des dirigeants pour développer les outils d’une culture numérique et de l’inclusion
7.4.4.1. [Responsables : État, CJDES, CJD… etc.] Parmi les structures qui participent à la mise en réseau des acteurs de dirigeants d’entreprises, certaines peuvent être naturellement plus sensibles aux questions de culture numérique en général et d’inclusion numérique en particulier. Nous pensons par exemple au Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) et au Centre des jeunes, des dirigeants, des acteurs de l’économie sociale (CJDES). Une action spécifique à destination de leurs membres doit être élaborée par les organisations volontaires, le cas échéant accompagnées par des organisations publiques compétentes.
7.5. Comment financer cette priorité ?
7.5.1. Des formations sont parfois déjà en place. Il faut faire évoluer ces programmes et les méthodes pédagogiques dans le sens de la recommandation. Il faut systématiser leur présence dans les formations des futurs ingénieurs, cadres, etc., et ce sans avoir attendre les stades ultimes des cursus. Des enseignants disposent des compétences pour diffuser cette littératie numérique à destination des décideurs et futurs décideurs : enseignants en épistémologie des sciences, en sociologie de l’innovation, en sociologie des technologies, en STS, en management du changement, etc