1. Bernard Stiegler
1.1. Le numérique comme toute technologie est un Pharmakon
1.2. l'émergence des réseaux sociaux est le ferment d'un nouveau modèle économique basé sur la contribution et l'intelligence collective en opposition et en alternative au modèle actuel fondé sur le consumérisme
1.2.1. https://youtu.be/ryCeTeAbYAA
1.3. « La base de la société occidentale a été de faire travailler ce que Héraclite appelait le Polémos : l’affrontement, le débat. J’appelle à un nouveau web « herméneutique » qui facilite justement la confrontation entre des gens qui n’ont pas le même point de vue pour leur permettre de travailler ensemble. C’était la vocation première du web : permettre l’échange et la discussion entre universités
1.4. STIEGLER Bernard. Dans la Disruption. Les liens qui libèrent. 2016
1.4.1. Anthropocène : ère géologique où l’Homme est devenu un facteur d’entropie et de bouleversement de l’écosystème terrestre
1.4.2. Disruption : changement radical, continu et délibéré, prôné par des entrepreneurs qui s’inspirent des nouveaux modèles économiques de la Silicon Valley
1.4.2.1. Ces transformations travaillent la société dans son ensemble en arrivant si vite qu’elles « court-circuitent délibérément et stratégiquement toute délibération politique – bien trop lente, donc totalement inefficace »
1.4.2.2. La disruption engendrée par ces nouveaux systèmes techniques ne donne donc plus aux individus, à la société, et même aux écosystèmes biologiques le temps nécessaire à leur appropriation et à leur intégration.
1.4.2.3. « La disruption comme désajustement entre système technique, systèmes sociaux et systèmes biophysiques » crée cet éternel présent dans lequel nous vivons, chahutés d’une innovation à une autre sans jamais avoir le temps de construire un horizon d’attente individuel (individuation) et collectif (transindividuation) ; un monde dans lequel certaines expériences sont devenues quasiment intransmissibles d’une génération à une autre, rompant ainsi un lien intergénérationnel porteur d’avenir. En cela, « la disruption […] substitue un devenir aveugle à ce devenir désiré en commun »
1.4.3. « il n’apparaît aucune nouvelle forme de pensée se traduisant en nouvelles organisations, en nouvelles institutions, en nouveaux comportements, etc., par lesquels se constituerait une époque à proprement parler »,
2. REMEDE
2.1. DE ROSNAY Joel. La révolte du Pronétariat? Paris, Fayard, 2006
2.1.1. Le pronétariat = « une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numériques non propriétaires, en s’appuyant sur les principes de la “nouvelle nouvelle économie”.
2.1.2. Les pronétaires entrent de plus en plus en compétition avec les infocapitalistes traditionnels, auxquels ils ne font plus confiance, pour s’informer.
2.1.3. « La production massive et collaborative par ce nouveau pronétariat, représente une révolution aussi importante que celle du début de l’ère industrielle symbolisée par la machine à vapeur, puis par la mécanisation et l’automatisation intensive"
2.2. PISANI Françis, PIOTET Dominique. Comment le web change le monde . Pearson, 2011
2.2.1. Internet n'est plus un simple outil de communication ou d'achat en ligne. Il sert aux insurgés d'Égypte ou de Tunisie à s'organiser pour descendre dans la rue. Le mobile est en train de dépasser l'ordinateur comme moyen de connexion à l'internet
2.2.2. Non contents de chercher de l'information, nous en produisons et alimentons massivement nos réseaux... Nous nous impliquons. D'internautes, nous nous transformons en « webacteurs ».
2.3. SERRES Michel. Petite Poucette. Paris : Editions Le Pommier. 2012. 82p.
2.3.1. Nous vivons la troisième mutation fondamentale. L'invention de l'écriture a permis de ne plus apprendre par coeur la tradition orale. L'imprimerie a permis d'écouter Montaigne et de se consacrer à avoir une tête bien faite plutôt que bien pleine. Aujourd'hui, Internet met tous les savoirs à disposition de tous, en permanence et où que l'on soit.
2.3.2. L'enjeu n'est plus le savoir, il est accessible, mais d'inventer comment s'en servir. Nous entrons dans l'ère de l'intelligence, de l'invention.
2.4. RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : comment le pouvoir latéral va transformer l'énergie, l'économie et le monde. Paris : Éditions Les Liens qui libèrent , 2012, 413 p.
2.4.1. « La jonction de la communication par Internet et des énergies renouvelables engendre une troisième révolution industrielle. Au XXIème siècle, des centaines de millions d’êtres humains vont produire leur propre énergie verte dans leurs maisons, leurs bureaux et leurs usines et la partager entre eux sur des réseaux intelligents d’électricité distribuée – sur l’inter réseau – exactement comme ils créent aujourd’hui leur propre information et la partagent sur Internet »
2.5. BAUWENS Michel. Sauver le monde : Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer, Les liens qui libèrent, mars 2015
2.5.1. Pour la première fois dans l’histoire, grâce à Internet et ses réseaux « égal à égal », en plus de l’échange, des citoyens du monde entier ont mis leurs compétences en commun pour créer ensemble, sans passer par des entreprises ou des organisations traditionnelles. En plus, ils le font bénévolement. Ils coopèrent parce qu’ils ont choisi de contribuer à un objectif social qui fait coïncider l’intérêt personnel et l’intérêt commun.
2.5.1.1. Exemple : Wikipedia
2.5.2. Michel Bauwens entrevoit dans l’enchevêtrement apparent de phénomènes nouveaux – tels que l’économie collaborative, les réseaux peer-to-peer, l’open source, le crowdsourcing, les FabLabs, les micro-usines, le mouvement des « makers », l’agriculture urbaine… –, un modèle qui nous mène vers une société post-capitaliste, où le marché doit enfin se soumettre à la logique des commons (du bien commun).
2.5.2.1. une relocalisation de la production et un développement de la collaboration mondiale sur le plan des connaissances s’imposeraient.
2.5.3. Il dénonce les GAFA = "capitalistes nétarchiques"
2.5.4. Le concept de pair à pair va bien au-delà des simples possibilités ouvertes par les nouvelles technologies, et se dote d'un contenu politique.
2.5.4.1. Objectif « création d’un mouvement global conscient qui milite en faveur d’une transition sociale vers une nouvelle société basée sur l’échange entre pairs. »
2.6. CARDON Dominique. À quoi rêvent les algorithmes : nos vies à l'heure des Big Data, Paris, Seuil, La République des idées, 2015, 105 p., ISBN : 978-2-02-127996-2.
2.6.1. les machines et les humains ne s’opposent pas ; au contraire, humains et machines se créent mutuellement
2.6.2. quatre grandes familles d’algorithmes liées à quatre objectifs distincts : la popularité, l’autorité, la réputation et la prévision
2.6.2.1. La première famille à faire son apparition sur le web est celle des algorithmes qui étudient la popularité des pages web, principalement en comptant combien de visiteurs elles reçoivent. Ce genre de calcul ne donne guère d’informations de qualité dans la mesure où l’on ne sait pas ce que font les visiteurs sur le site : y sont-ils restés longtemps, ont-ils apprécié le contenu, s’agit-il de personnes âgées ou d’adolescents… ?
2.6.2.2. Google a connu son succès grâce à l’instauration d’un nouveau type d’algorithmes qui calculent non plus la popularité mais l’autorité des pages web. Cette deuxième famille d’algorithmes analyse les liens entre les sites : un site souvent référencé est considéré comme un site qui fait autorité.
2.6.2.3. Contrairement au calcul de l’autorité, les mesures de réputation sont connues de tous;: le nombre de like, le nombre de retweet… Ces mesures ne cherchent pas à être neutres, mais, au contraire, elles poussent les acteurs à agir en fonction des scores obtenus
2.6.2.4. la quatrième famille – la dernière en date et celle qui inquiète le plus l’auteur – vise à prédire ce que veulent les internautes en fonction de ce qu’ils ont fait dans le passé, en fonction des traces laissées dans leur sillage lors de leurs précédents passages sur internet.
2.6.3. Dans le cas des algorithmes de corrélation, aucune hypothèse n’est émise ; la machine est à la recherche de n’importe quelles corrélations entre les données récoltées, indépendamment de toute relation causale, ce qui fait déclarer à Chris Anderson qu’on assiste à « la fin de la théorie ».
3. POISON
3.1. FINKIELKRAUT Alain , SORIANO Paul. Internet, l'inquiétante extase. Paris : Mille et une nuit, 2001. 93p.
3.1.1. « Internet est le rendez-vous des chercheurs, mais aussi celui de tous les cinglés, de tous les voyeurs et de tous les ragots de la terre.»
3.1.2. « l’informatisation du monde » accomplit un « parricide théorique » dans la mesure où l’égalitarisme radical des internautes (accès à tout pour tous) sape toute hiérarchie des valeurs et des œuvres par l’idée que tout un chacun a le droit à être reconnu dans ses productions numériques sans discernement
3.1.3. Internet est l’ultime avatar de la « défaite de la pensée »
3.2. Paul Virilio. L'Administration de la peur. Paris : Textuel, 2010
3.2.1. La vitesse du langage des images dénature les facultés d’analyse et les rapports humains.
3.2.2. La "bombe numérique" : "cette bombe découlant de l’instantanéité des moyens de communication, et notamment de la transmission de l’information, a un rôle éminent dans l’établissement de la peur au rang d’environnement global".
3.2.3. La communauté d’émotion domine désormais les communautés d’intérêt des classes sociales qui définissaient la gauche et la droite en politique, par exemple. Nos sociétés vivaient sur une communauté d’intérêt, elles vivent désormais un communisme des affects.
3.2.4. Régression collective des facultés réflexives de l’être humain, une régression au niveau émotionnel pouvant favoriser des réflexes de panique généralisée ingérable.
3.2.5. Superficialité et pauvreté de la majorité des échanges numériques, surtout dans les réseaux sociaux, la tentation du mensonge, du faux, de l’artificiel générés par le virtuel, enfin l’addiction au « toujours plus » d’informations, qui est une nouvelle source de stress, une nouvelle course à l’hyperconsommation.
3.3. CARR Nicholas. Internet rend-il bête ? Paris : Robert Laffont, 2011.
3.3.1. "Comme le soulignait le théoricien des médias Marshall McLuhan dans les années 60, les médias ne sont pas un simple lieu passif de transmission d'information. Ils fournissent la matière des pensées, mais il en déterminent aussi le processus. Et ce que le Net semble faire c'est écailler ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit s'attend désormais à prendre l'information là où le net la distribue: dans un flux rapide et mouvant de particules. J'étais un plongeur dans la mer des mots. Maintenant je glisse sur sa surface comme un homme sur un jet ski"
3.3.2. Internet est une révolution pour notre cerveau qui, incroyablement plastique, s'adapte très vite aux nouvelles technologies et à leurs nouvelles tentations...
3.3.3. la capacité à se concentrer dans la lecture, pour tout apprentissage, a été au coeur de notre mode d'éducation.
3.3.3.1. le passage d’une lecture classique à une lecture numérique n’est pas anodin ; l’une semble exclure l’autre. Les deux lectures correspondent à deux modèles différents de circuit neuronal (théorie de la plasticité du cerveau ), il y a donc concurrence entre deux types d’habitude
3.3.4. Notion de "surcharge cognitive"
3.3.4.1. deux grandes causes de surcharge cognitive.
3.3.4.1.1. La nécessité de résoudre des problèmes extérieurs à la lecture du texte est bien illustrée par les liens hypertextuels, qui doivent obligatoirement être évalués a priori par le lecteur, quelle que soit sa décision de les activer ou non
3.3.4.1.2. Lla division de l’attention, caractéristique quant à elle du multimédia, du multitâche et de la très grande fréquence des interruptions.
3.3.4.2. La lecture approfondie devient un "combat"
3.4. SADIN Eric. L’humanité augmentée : l’administration numérique du monde. Paris : L'échappée, 2013.
3.4.1. La révolution numérique est en passe de s’achever
3.4.2. « Une ambition démiurgique à vouloir réduire l’intégralité des points de la Terre à une base de données universelle et sans fond caractérise exactement notre moment technico-historique », p. 87
3.4.3. S’opère une délégation de pouvoir aux machines, marginalisant une humanité dont les attributs intellectuels se trouvent pour partie débordés par ses propres créations
3.4.3.1. Émergence d’une sorte d’humanité parallèle, constituée de flux électroniques intelligents voués à administrer « pour le meilleur et le moindre risque » la course du monde du XXIe siècle.
3.5. Byung-Chul Han. Dans la nuée : réflexions sur le numérique. Paris : Actes sud, 2015.
3.5.1. "Nous sommes dépassés par le numérique qui (...) modifie de façon déterminante notre comportement, notre perception, notre sensation, notre pensée et notre vie sociale".
3.5.2. Le numérique est un média pulsionnel ("j'aime"). Il détruit le nom en séparant le message du messager. La communication anonyme détruit le respect.
3.5.3. Les médias numériques isolent les hommes. Une "nuée" (ni une masse, ni une foule) composée d'unités éparses qui ne vivent que pour eux-mêmes. Le bouton "j'aime" est le nouveau bulletin de vote. Nous ne sommes plus des citoyens mais des consommateurs.
3.5.4. La main est le support de l'Etre (Heidegger)
3.5.5. La communication numérique détruit le "silence". L'esprit a besoin de silence (Michel Butor , la crise de l'esprit)
3.5.6. Numérique est un média projectif (projet de soi), une machine narcissique de développement de l'égo.
3.5.7. Aspect viral de la communication numérique. Leur complexité rend les objets numériques fantomatiques et incontrôlables.
3.5.8. Internet des objets = société de contrôle (cf. Negri et Hardt. L'Empire) . Big Data remplace Big Brother ! La psychopolitique numérique s'empare du comportement social de masse = totalitarisme
3.6. MOROSOV Evgeny. Pour tout résoudre, cliquez ici : l'aberration du solutionnisme technologique. Limoges : Fyp éditions, 2014
3.6.1. L'internet centrisme
3.6.1.1. Il s’agit d’un mouvement d’explication d’un grand nombre de changements sociaux, politiques et culturels du monde d’aujourd’hui par une force unique : l’Internet. Cette force est censée être autonome, elle est censée agir selon sa propre logique, sans cesse et partout, exactement comme l’économie, le marché ou la nature sont traditionnellement présentés dans certaines théories sociales telles des forces autonomes agissant d’elles-mêmes…
3.6.1.2. Je définis le solutionnisme technologique comme une façon de se reposer sur la technologie pour tenter de résoudre des problèmes dont l’existence n’est pas avérée. Vous n’assumez pas la multiplicité des sources et causes potentielles de tout problème. Immédiatement, vous utilisez la technologie, sans chercher d’autres moyens de résoudre le problème, et sans même avoir fait l’effort préalable de définir ce problème.
3.6.2. Ludification
3.6.3. «l’époqualisme»
3.6.3.1. la certitude que nous vivons des temps d’exception, où l’Internet s’apprête à chambouler la société de façon plus fondamentale encore que la presse à imprimer il y a un demi millénaire.